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Canada - De nouvelles découvertes sur la colonie viking de L'Anse aux Meadows

La découverte de pollen de cannabis près d'une colonie viking à Terre-Neuve soulève la question de savoir l'usage que les Vikings ont pu avoir du chanvre alors qu'ils exploraient l'Amérique du Nord. Les chercheurs ont également trouvé des indices selon lesquels les Vikings auraient occupé ce site durant plus d'un siècle, soit bien plus longtemps que ce que l'on croyait.

Situé dans le nord de Terre-Neuve et classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, L'Anse aux Meadows a été fondé par les Vikings vers l'an 1000. Jusqu'à présent, les archéologues pensaient que le lieu n'avait été occupé que pendant une brève période. Une nouvelle étude, publiée le 15 juillet 2019 dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences, suggère que des Vikings auraient peut-être vécu là-bas au XIIème, voire au XIIIème siècle.

 

Un lieu énigmatique

Canada - L'Anse aux Meadows - Photo: Colin Young / DreamstimeBien qu’il soit le premier établissement européen connu en Amérique du Nord, l'Anse aux Meadows reste énigmatique. L'étude rappelle qu'aucune de ses structures ne peut être identifiée comme abri pour les animaux, pas plus qu’il n’existe de preuves d'élevage alors que cela constituait la base de la subsistance des Vikings au Groenland et en Islande. Autrement dit, le site est une aberration au regard des colonies nordiques de l’Atlantique Nord.

"La rareté des artefacts et les couches peu profondes indiquent un lieu transitoire servant de base à l’exploration de l’Amérique du NordBien que la colonisation nordique de l’Atlantique Nord soit souvent perçue comme une recherche de terres agricoles, elle visait également à garantir des ressources de luxe aux marchés européensDe ce point de vue, un avant-poste nordique est peut-être parfaitement logique. L'Anse aux Meadows se trouve sur les rives d’une riche pêcherie de morue - qui, six siècles plus tard, abritait des centaines de pêcheurs français saisonniers - et dans une région de nidification dense pour les eidersLe stockfish (morue séchée) et l’édredon étaient des produits très prisés à l’époque viking", ont rappelé les auteurs.

 

Des écofacts venus d'ailleurs

En août 2018, une équipe d'archéologues de l'Université Memorial a trouvé par hasard, dans une section du site, de nouveaux indices d'activité humaine. "Nous étions là pour mesurer les changements à l'environnement du site occasionnés par l'occupation humaine. De façon générale, nous nous intéressions aux changements à l'environnement consécutifs à la colonisation des lieux par les Vikings", a expliqué le professeur chargé du projet, Paul Ledger. Et pour valider leurs hypothèses, ils devaient creuser. "La tourbe s'accumule au rythme d'environ un millimètre par année. Ce faisant, elle accumule des microfossiles tels que du pollen ou du charbon en suspension dans l'air ou toute autre matière vivante."

Paul Ledger et son équipe ont découvert bien plus que ce à quoi ils s'attendaient. Ils creusaient à une profondeur d'environ 35 cm, à une trentaine de mètres des ruines existantes, lorsqu'ils sont tombés sur des écofacts [à la différence d'un artéfact, un écofact n'a pas été fabriqué par l'homme mais consiste généralement en résidus de son action sur l'environnement, comme du charbon, des restes de nourriture, etc]: des résidus de bois qui, d'après la datation au carbone, appartiennent à la période entre la fin du XIIème siècle et le milieu du XIIème siècle.

Ces écofacts comprennent les restes de deux coléoptères non indigènes de Terre-Neuve: Simplocaria metallica, du Groenland, et Acidota quadrata, de l'Arctique. La couche contenait également du pollen de Juglans cinerea (noyer cendré) et d'Humulus (houblon ou cannabis), deux espèces qui ne poussent pas naturellement à L'Anse aux Meadows. De fait, les Vikings auraient plutôt pu rencontrer toutes ces espèces de plantes et d'insectes en navigant vers le sud. Des restes de déjections de caribou au pâturage ont également été trouvés, ainsi que des restes de bois et de charbon de bois. La couche de la tourbière est semblable aux autres "couches culturelles scandinaves de part et d'autre de l'Atlantique Nord", ont précisé les archéologues.

 

Deux siècles d'occupation

En outre, les chercheurs ont effectué une analyse bayésienne [un type d'analyse statistique qui consiste à calculer les probabilités de diverses causes hypothétiques à partir de l'observation des événements connus] sur les datations par le radiocarbone à partir d'artéfacts précédemment mis au jour à L'Anse aux Meadows. Cette analyse suggère également que les Vikings auraient pu occuper le site durant près de 200 ans.

"Cela ne signifie pas une occupation continue", ont nuancé les archéologues, ajoutant que les Vikings ont pu quitter et revenir à L'Anse aux Meadows à leur guise. En ce sens, les dépôts culturels peu profonds indiquent plutôt la possibilité d’une activité scandinave sporadique au-delà du début du XIème siècle.

 

Les Vikings ont-ils utilisé du chanvre à Terre-Neuve?

Le pollen de cannabis qui a été trouvé soulève la question de savoir si les Vikings ont utilisé du chanvre pour confectionner des vêtements, ou bien à des fins médicinales ou encore récréatives, lorsqu'ils ont exploré l'Amérique du Nord. 

Paul Ledger, l'auteur principal de l'étude et chercheur postdoctorant à l'Université Memorial de Terre-Neuve, a exhorté à la prudence dans l'interprétation de cette découverte, soulignant que le pollen peut facilement être transporté par le vent. Il est également possible que certains des autres "écofacts" aient été introduits dans la tourbière par des peuples autochtones qui vivaient à Terre-Neuve et non par les Vikings. Cela aurait pu être une zone d’interaction partagée, "impliquant une association avec des activités autochtones."

En fin de compte, "les résultats présentés ici [dans l'article de la revue scientifique] posent plus de questions qu'ils n'apportent de réponses", ont conclu les auteurs de l'étude.

 

Pas de conclusions prématurées

D'autres chercheurs qui se sont intéressés au sujet mais qui n'ont pas participé à cette étude, ont aussi vivement recommandé de faire preuve de prudence à propos des résultats.

"Je pense qu'il est trop tôt pour tirer des conclusions", a déclaré Birgitta Wallace, archéologue émérite de Parcs Canada, qui a effectué des recherches approfondies sur les Vikings en Amérique du Nord. Wallace a ajouté qu'elle n'était pas convaincue par le fait que les Vikings aient pu laisser ces écofacts: "Il est hautement improbable que les Vikings soient revenus aux XIIème et XIIIème siècles, car il n'y a aucune structure sur le site de cette période qui pourrait être scandinaveNous savons qu'il y avait des autochtones, des ancêtres des Béothuks, sur le site à cette époque."

Patricia Sutherland, chercheuse invitée au Musée canadien de la Nature, qui a également fait des recherches approfondies sur les Vikings en Amérique du Nord, a expliqué que, même si les Vikings ont pu être à Terre-Neuve aux XIIème ou XIIIème siècles, il est encore trop tôt pour l'affirmer avec certitude: "Il semble prématuré de suggérer un tel scénario sur la base des écofacts énumérés dans le document.Il est possible, selon elle, que certains des coléoptères et le pollen des plantes trouvés dans la couche aient été apportés à L'Anse aux Meadows par les Vikings aux alentours de l'an 1000 et qu'ils aient continué à prospérer après le départ des Vikings.

Paul Ledger a précisé que l'équipe d'archéologues prévoit de poursuivre les recherches à L'Anse aux Meadows durant le mois d'Août 2019.

Vikings at L'Anse aux Meadows | Les Viking à L'Anse aux Meadows

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