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Canada - Les sculptures découvertes en Arctique représentent-elles des Vikings?

Les sculptures découvertes dans l'archipel arctique canadien pourraient être les premiers portraits de Vikings créés aux Amériques. Mais les archéologues se demandent encore si ces oeuvres représentent vraiment les intrépides marins.

Dans un article publié dans le numéro d'août du Journal of Archaeological Science, les scientifiques ont établi qu'un simple liquide inflammable appelé "acétone" pourrait aider à résoudre ce mystère en permettant d'éliminer l'huile et la graisse de mammifère marin de ces artefacts et d'autres trouvés à proximité. Cette contamination, en effet, les avait empêché jusqu'à présent d'obtenir une datation fiable par le radiocarbone.

Un problème de corps gras

Les Vikings, ainsi que d’autres peuples qui vivaient dans les zones arctiques ou subarctiques, utilisaient les huiles et graisses issues de mammifères marins à diverses fins, notamment pour la conservation des aliments et la cuisine. Ces substances interfèrent avec la datation au radiocarbone, car plutôt que de révéler la date de l'artefact, c'est celle de l'huile ou de la graisse recouvrant l'objet qui est obtenue, ont relaté les auteurs de l'étude, Michele Hayeur Smith, Kevin Smith et Gørill Nilsen.

Hayeur Smith est chercheuse associée au musée d'Anthropologie de Haffenreffer, de l'Université Brown, à Rhode Island, où elle est conservatrice en chef. Gørill Nilsen est professeure d'archéologie à l'Université arctique de Norvège, à Tromsø.

Le sol en milieu arctique a souvent une faible densité, ce qui permet à l’huile et à la graisse de pénétrer plus facilement sur les objets façonnés par la main de l'homme qui s'y trouveraient. "Dans l'Arctique, où la plupart des sites sont peu profonds, des périodes d'occupation espacées de plusieurs milliers d'années peuvent être séparées les unes des autres par quelques centimètres de développement du sol", expliquent les scientifiques. Cela signifie que les artefacts peuvent se mélanger à de l'huile et de la graisse provenant de différentes périodes, ce qui rend difficile leur datation.

 

L'acétone à la rescousse

Pour résoudre ce problème de datation par le carbone 14, Gørill Nilsen a mis au point plusieurs méthodes visant à éliminer les corps gras des artefacts. Nilsen a testé ses protocoles en utilisant des échantillons de bois datés par le radiocarbone d'environ 42 000 ans. 

La chercheuse a trempé ces échantillons dans de l'huile de mammifère marin produite de nos jours. Sa première méthode a consisté à utiliser un mélange d’acides et d’alcali, mais cela a échoué et abouti à une datation autour de 16 000 ans. Gørill Nilsen en a conclu que le procédé n'avait pas permis d'enlever toute l'huile et la graisse.

Elle a ensuite essayé deux méthodes à base d'acétone, et les deux ont été couronnées de succès.

 

Des mystères à résoudre

La possibilité d'éliminer les corps gras des artefacts constitue, selon les trois chercheurs, une "avancée majeure" pour les archéologues qui mènent des recherches sur les Vikings et les autres peuples de l'Arctique. 

Cette nouvelle méthode a d'ailleurs déjà aidé à résoudre un mystère. Les scientifiques l'ont utilisée pour dater par le carbone 14 des échantillons de cordes découverts lors de fouilles archéologiques sur divers sites de l'Arctique canadien.

Un débat de longue date consistait à se demander si les Vikings, il y a environ 1000 ans, furent ceux qui apprirent aux peuples autochtones de l'Arctique canadien comment tresser des cordes. Or l’équipe a constaté que certaines cordes remontaient à au moins 2 000 ans, soit bien avant l’arrivée des Vikings. Les chercheurs en ont conclu que les peuples autochtones de l'Arctique canadien avaient mis au point des techniques de tressage de cordes sans l'aide des Vikings.

 

Des sculptures en bois de l'Âge Viking?

Canada - Sculpture découverte sur l'Île Axel Heiberg, dans l'archipel arctique canadienPar ailleurs, il devient dorénavant possible de résoudre le mystère des sculptures en bois de l’Arctique canadien. Ces sculptures, qui ont été créées par les peuples autochtones de la région, présentent des caractéristiques qui, selon certains spécialistes, donnent à penser qu'elles seraient vikings.

Hayeur Smith a déclaré que les chercheurs ne s'étaient pas encore attelés à dater les sculptures en bois, ajoutant que la première série de datations par le radiocarbone s'était concentrée sur les textiles.

L'une des sculptures a été mise au jour dans les années 1970 sur le site d'Okivilialuk, dans le sud de l'île de Baffin. Deux morceaux de tissu trouvés près de la sculpture d'Okivilialuk remontent au XVIème siècle, ce qui laisse à penser que cette sculpture pourrait également remonter à cette époque. Cette sculpture n'est peut-être pas le portrait d'un Viking, mais les chercheurs ont évoqué dans leur étude qu'elle pourrait représenter une personne de l'une des expéditions de Sir Martin Frobisher dans l'Arctique canadien dans les années 1570.

 

Patricia Sutherland a appelé à la prudence sur ces résultats, affirmant que les archives des fouilles archéologiques indiquent que la sculpture d'Okivilialuk a été trouvée à un niveau inférieur (ce qui signifie qu'elle a été créée plus tôt) et qu'elle serait donc plus ancienne que les textiles. Patricia Sutherland est une chercheuse rattachée à l’Université Carleton au Canada. Elle a effectué de nombreuses fouilles dans l’Arctique canadien, mais ne participe pas à la nouvelle recherche. 

Selon Patricia Sutherland, cette découverte suggère que la sculpture pourrait remonter à une époque antérieure au XVIème siècle, ce qui signifie qu’elle pourrait représenter des Vikings.

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