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Danemark - Découverte d'un bijou qui pourrait être celui de la Völva du roi Harald à la Dent bleue

Un petit fragment de métal précieux, pouvant provenir du bijou d'une prophétesse, a été mis au jour dans la forteresse viking de Borgring, à Køge. La femme a été enterrée dans la forteresse viking de Fyrkat, à Hobro, et par conséquent, tout indique qu'elle pourrait avoir voyagé avec son talisman d'un lieu à l'autre.

"C'est diabolique", s'est exclamé l'archéologue Jeanette Varberg, en se remémorant la dernière découverte réalisée dans la cinquième forteresse viking du Danemark, Borgring, située juste au sud de Køge.

Un petit morceau de métal précieux a fait son apparition lors des fouilles et il correspondrait sans doute à l'une des parties retrouvées, sur les trois manquantes, d'une broche spécifique mise au jour précédemment à Fyrkat, la forteresse viking situé près de Hobro. Un fragment de bijou que Jeanette Varberg a à plusieurs reprises auparavant tenu entre ses mains.

La première découverte a eu lieu dans l'une des plus riches tombes de femme du Danemark de l'Âge Viking et appartenait à ce que l'on appellait alors une völva, une chamane ou magicienne qui jouissait auprès des Vikings d'une très haute considération. Si le fragment de métal de Borgring provient du même bijou, il se pourrait que la femme ait voyagé entre les deux sites, que l'on croit être tous deux construits par Harald Blåtand, surnommé à la Dent bleueroi du Danemark des années 958 à 987.

"Si cette pièce s'est détachée de celle de Fyrkat, alors c'est tout à fait incroyable. Si elle est réellement originaire de là, cela revient vraiment à trouver une aiguille dans une botte de foin", commente Jeanette Varberg, qui est également conservatrice au Musée Moesgaard, mais qui ne participe pas aux fouilles de la forteresse Borgring.

 

"L'un des moments les plus fous que j'ai vécu"

Une petit fragment en argent finement décoré a été trouvé à la porte Nord de Borgring, laquelle passe au final pour avoir été l'entrée principale de la forteresse. Dans un premier temps, les archéologues ne parvenaient pas à se représenter dans quel contexte cela s'inscrivait, rapporte l'archéologue Søren Sindbæk qui a lui-même participé à la découverte de Borgring en 2014.

"Dans la plupart des cas, nous disons: « Ah, c'est un... » mais là, contre toute attente, nous ne parvenions pas à comprendre ce qu'était cette pièce, pas plus que nos collègues lorsque nous leur avons immédiatement posé la question. Cela a trotté dans toutes nos têtes pendant un certain temps, jusqu'à ce que soudainement je me rappelle où je l'avais vu auparavant", relate Søren Sindbæk, professeur d'Archéologie médiévale à l'Université d'Aarhus.

"Cela s'est avéré être une partie d'un bijou peu courant, comme il n'en existe qu'un seul au Danemark: dans la tombe de la völva de Fyrkat. Cest l'un des moments les plus fous que j'ai vécu en tant qu'archéologue. Si j'avais rêvé d'une telle découverte, j'aurais pensé que c'était totalement irréaliste."

 

Probablement un héritage

Danemark - Reconstitution de la sépulture de la völva de Fyrkat, avec une tige métallique et des graines de jusquiame - Dessin: Thomas Hjejle BredsdorffUne völva était une sorte de chamane, qui possédaient des qualités personnelles particulières, et ces femmes bénéficiaient généralement d'un très grand respect de la part de toutes les couches de la société. Elles pouvaient, entre autres, prédire l'avenir et jeter des sorts, et des sources écrites décrivent la façon dont ces femmes étaient "traitées comme des rois".

La broche, qui a été trouvée dans la tombe de la femme de Fyrkat, a probablement servi à ses rituels, sans que les chercheurs, cependant, puissent dire avec certitude de quelle manière. De précédentes analyses ont révélé que la broche servait plutôt de petite boîte que de bijou et qu'elle contenait du blanc de plomb, une sorte de pigment blanc que la völva utilisait peut-être comme un fard pour ses rituels. 

Toutefois, d'après Søren Sindbæk, de récentes études ont démontré qu'il s'agissait d'une erreur et que ce qui fut auparavant interprété comme étant de la céruse, provient en fait du plomb utilisé pour sceller le bijou de sorte que, par exemple, il puisse contenir un liquide. Il croit donc plutôt que la petite boîte servait à contenir un breuvage pour entrer en transe.

La broche en forme de boîte était déjà ancienne quand elle a été déposée dans la tombe de la femme de Fyrkat, d'après Jeanette Varberg. La femme était vêtue d'une riche tenue rouge et bleue, ornée de fils d'or et a été enterrée comme les femmes les plus riches de l'époque, allongée sur le plateau d'un chariot tiré par des chevaux et avec un certain nombre d'objets exotiques, tels qu'un bol en bronze, provenant probablement d'Iran. Néanmoins, la broche reste l'une des découvertes les plus importantes de cette sépulture, selon Jeanette Varberg.

"Il s'agit peut-être d'un héritage que la femme a pu recevoir de sa grand-mère. Elle ne l'a pas utilisée en tant que bijou, mais plutôt comme une petite boîte pour stocker des choses dedans ou boire quelque chose de spécial. Cela a fait intimement partie de ses effets personnels, un bijou usé par le temps et extrêmement précieux."

 

La même ornementation

La forme de la broche est typique de Gotland en Suède, où plusieurs découvertes semblables ont été faites. En théorie, l'élément qui a été mis au jour à Borgring pourrait tout aussi bien provenir d'une de ces broches dont les ornementations en relief sur la partie supérieure sont souvent brisées.

Mais quand les archéologues ont commencé à prendre connaissance des rapports, ils ont rapidement découvert que l'ornementation - c'est-à-dire les éléments décoratifs- sur la pièce de Borgring semblait correspondre à celle de Fyrkat.

"Nous avons pu constater qu'il y avait seulement 30 de ces splendides broches, et quand nous les avons examinées, nous avons vite compris que nous ne pourrions pas trouver les ornementations en spirale de la pièce de Borgring sur d'autres broches, autres que celle justement de Fyrkat. Et c'est quelque chose d'étrange de constater que nous en avons précedemment trouvé une, et qu'elle possède exactement la même ornementation", explique Søren Sindbæk.

 

320 km de Borgring à Fyrkat

Difficile ne pas penser en écoutant l'archéologue Sindbæks que cela fait "un peu loin", lorsqu'on commence à réaliser qu'ils ont trouvé deux parties d'un même objet à des kilomètres l'un de l'autre. De Borgring à Fyrkat, il y a environ 320 km.

"Ce serait normalement la dernière idée à avancer, et ce serait également un hasard complétement fou le cas échéant. C'est précisément de cette façon que l'on a précédemment interprété la tombe de Fyrkat, c'est-à-dire qu'elle était celle d'une femme qui a voyagé avec Blåtand. Autrement dit, nous avions déjà en tête l'idée qu'il s'agissait d'une femme qui s'est rendue dans plusieurs forteresses", explique Søren Sindbæk avant d'ajouter: "Et quand nous trouvons un autre bijou très rare, complètement identique, qui là aussi présente un usage ancien - il est difficile ensuite de ne pas y penser. On ne peut guère imaginer quelque chose de plus simple, il y a très clairement un lien direct entre les deux sites et donc une connexion entre Harald Blåtand et Borgring."

 

Une énorme découverte

Le fragment en argent a été trouvé à la porte Nord de Borgring, ce qui signifie qu'il est tout à fait dans la direction de la tombe de la völva à Fyrkat. Celle-ci a déjà été datée de l'an 980.

"Quand on a suggéré que la völva de Fyrkat avait voyagé avec les guerriers du roi, il a été envisagé qu'elle ait également pu séjourner dans la seconde forteresse de Harald Blåtand. Mais trouver une trace comme celle-ci, qui pourrait appartenir au même bijou si inhabituel se trouvant dans la tombe de cette femme, c'est tellement fou!", commente la conservatrice Nanna Holm, qui dirige le chantier des fouilles à Borgring et qui a trouvé l'artefact.

Elle souligne qu'il faut maintenant attendre les analyses avant de pouvoir dire avec certitude si la pièce provient bien de la même broche. Et quand bien même alors, il restera à déterminer si les deux éléments s'accordent effectivement ensemble, ou si, par exemple, d'autres broches identiques ont pu être réalisées dans la même région. "Bien sûr, ce serait plus cool qu'il s'agisse de la même broche, mais je suis toute excitée à l'idée que nous tenions maintenant un lien direct avec Fyrkat. C'est une énorme découverte", dit-elle.

 

Une völva du roi - ou une drôle de coïncidence?

Danemark - Représentation du bijou ayant appartenu à la völva de Fyrkat et le fragment découvert à Borgring - Dessin: Museum SydøstdanmarkJeanette Varberg invite maintenant les chercheurs de Borgring à confronter les deux pièces - celle de Fyrkat et celle de Borgring - pour les comparer réellement, et peut-être en apprendre davantage. Cependant, il sera difficile de déterminer quoi que ce soit avec certitude, car il manque l'intégralité des trois autres faces latérales de la boîte, précise Søren Sindbæk.

Par conséquent, la meilleure chance pour les archéologues d'obtenir un semblant de réponse, est d'attendre l'analyse de l'argent qui constitue le fragment pour voir s'il correspond à celui découvert à Fyrkat.

"De toute évidence, nous, les archéologues, sommes immédiatement enclins à penser qu'il pourrait s'agir de la völva de Harald, mais il nous faut encore le prouver. Le point crucial est de savoir s'il s'agit d'un fragment détaché de la boîte -  alors nous saurons que la femme de Fyrkat s'est aussi rendue à Borgring. Sinon, ce sera juste une drôle de coïncidence", a déclaré la conservatrice, soulignant cependant que ce précieux fragment de Borgring indique en tout cas la présence d'une riche élite.

Le bijou, plaqué d'argent et finement décoré, entre dans la catégorie des bijoux appartenant aux classes sociales supérieures. De même, d'après Jeanette Varberg, il ne fait aucun doute qu'il s'inscrit dans la tradition de Gotland, qu'il appartienne à la broche de Fyrkat ou à un autre exemplaire de la même facture."Ce n'est pas ordinaire de trouver des bijoux de Gotland à la fois à Borgring et à Fyrkat. En soi, c'est quelque chose qui incite les archéologues à se dire que c'est déjà bien!" a-t-elle conclu.

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