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Danemark - Des ossements d'une célèbre tombe de l'Âge Viking, disparus depuis plus d'un siècle, redécouverts au Musée national

Des chercheurs danois du Musée national sont récemment tombés sur une boîte contenant des os humains de l'Âge Viking égarés depuis plus d'un siècle. Ces ossements, recouverts en partie de plusieurs vestiges textiles bien conservés, proviennent de l'une des tombes les plus importantes de l'Histoire du pays. Les résultats de leurs analyses esquissent le portrait d'au moins un individu de la haute société et fournissent de nouvelles données importantes sur les vêtements de l'époque.

"Nous sommes incroyablement fiers d'avoir enfin retrouvé les os manquants. C'est un morceau important de l'histoire danoise, qui est resté caché et a été oublié pendant de nombreuses années. Maintenant, les os sont de retour, à leur place, et c'est un peu un scoop", a déclaré le professeur Ulla Mannering du Musée national du Danemark.

Une tombe remarquable

Fer de hache long de 17, 5 cm et incrusté d'argent découvert dans la tombe de Bjerringhøj, à Mammen - Photo: Musée national du DanemarkTout commence en 1868 dans le Jutland central, près du village de Mammen, au Danemark, avec un agriculteur du nom de Laust Pedersen Skomager. Cette année-là, aidé par d'autres fermiers voisins, il entreprit d'araser un monticule de 4 mètres de hauteur dans l'un de ses champs. Et c'est ainsi qu'ils mirent au jour, sans prendre aucune précaution, une chambre sépulcrale abritant un cercueil en bois et son riche mobilier funéraire.

Le défunt reposait sur une couche d'oreillers en duvet, drapé de vêtements en laine ornés de motifs tissés en fils de soie violette et rouge, d'or et d'argent ainsi que de broderies rouges et bleues. Deux haches en fer gisaient aux pieds de l'individu, dont une particulièrement remarquable avec des incrustations d'argent, qui est à l'origine du nom donné à toute une période et un style d'art viking - le style de Mammen. Sur le couvercle du cercueil était placée une bougie en cire d'abeille de 57 centimètres, tandis qu'à l'intérieur de la chambre se trouvaient deux seaux en bois et un récipient en bronze.

Lorsque les archéologues se rendirent sur place peu de temps après, leur premier travail consista à récupérer les artefacts que les découvreurs s'étaient partagés entre eux. Une fois réunis, les objets et les ossements du défunt furent envoyés au Musée national du Danemark qui expose depuis les plus beaux objets de cette tombe.

 

Des recherches en vain

En 1986, les archéologues fouillèrent une seconde fois le tertre funéraire, désormais connu sous le nom de Bjerringhøj. Leurs investigations permirent de dater la sépulture de 970-971 de notre ère. Seuls quelques nouveaux objets furent récupérés, parmi lesquels des morceaux de tissu, des plumes de duvet, un fil d'or de 10 mm de long, mais aussi de minuscules traces de matière organique et un seul petit fragment osseux qui ne pouvait pas être considéré comme humain.

En vue de la publication du compte-rendu sur ces nouvelles fouilles du tumulus, il restait à tenter de déterminer le sexe de l'individu. Pour ce faire, les auteurs se mirent en quête des ossements dans la collection du Musée national. En vain.

En 2009, toute la collection anthropologique du département de Médecine légale de l'Université de Copenhague, où sont conservés la plupart des restes humains appartenant aux collections préhistoriques du Musée national du Danemark, fut également passée au peigne fin, toujours sans succès.

Les ossements de Bjerringhøj semblaient perdus à jamais.

 

"Cachés sous notre nez"

Danemark - Ces os humains recouverts en partie de tissus de la tombe de Bjerringhøj, à Mammen, avaient disparu depuis plus d'un siècle - Photo: Musée national du DanemarkDepuis 2018, Ulla Mannering et Charlotte Rimstad, rattachées au Musée national du Danemark, ainsi que leurs collègues d'autres institutions danoises, étudient les textiles de l'époque viking dans le cadre du projet Fashioning the Viking Age. En examinant les restes d'un autre site funéraire appelé Slotsbjergby, une tombe fouillée en 1897 sur l'île de Seeland, elles furent surprises de découvir des os humains quand bien même les descriptions des archéologues ne faisaient aucune mention d'ossements mis au jour avec les tissus de cette sépulture. 

Pendant tout ce temps, les ossements de Bjerringhøj avaient donc simplement été rangés dans la mauvaise boîte. "Nous avons toujours eu le sentiment qu'ils devaient être quelque part au musée, cachés sous notre nez. Ils ont été recherchés en vain à plusieurs reprises, mais ce n'est que par hasard ici, plus de 100 ans après, que nous les retrouvons dans une boîte où ils n'étaient pas du tout censés être",a relaté Ulla Mannering.

"Il nous a fallu beaucoup de temps avant que nous n'osions nous l'avouer à voix haute. Je me souviens clairement de cet éclair de lucidité qui nous a traversées: 'oui, mais bien sûr, ce sont les os de Bjerringhøj'. Ce fut un moment incroyable, et le travail d'investigation que nous avons ensuite entamé pour prouver notre intuition s'est avéré vraiment passionnant", a-t-elle ajouté.

 

À la rencontre des défunts de Bjerringhøj 

En collaboration avec Marie Louise Jørkov du laboratoire d'Anthropologie de l'Université de Copenhague, plusieurs analyses ont été effectuées sur les ossements de Bjerringhøj. Les résultats de cette recherche à laquelle Ulla Mannering et Charlotte Rimstad ont activement participé, ont fait l'objet d'une récente publication dans la revue scientifique Antiquity et sont également publiés en ligne sur le site de Cambridge University Press

Ces analyses ont tout d'abord permis de rattacher définitivement au site de Mammen les os et leurs vestiges textiles censés jusque là être ceux de Slotsbjergby. D'après l'examen ostéologique, tous les os mentionnés dans le rapport de 1872 sont présents, à l'exception d'un petit fragment d'émail d'une molaire qui a aisément pu se perdre au cours d'un siècle de manipulation par de nombreux chercheurs.

Comme le suggèrait aussi le rapport des fouilles de 1872, les ossements correspondraient à ceux de 2 individus. L'un serait un homme adulte de plus de 30 ans, mesurant entre 1,71m et 1,78m qui, au regard des traces laissées sur les os par des inflammations, semble avoir pratiqué une activité physique intense, peut-être en lien avec l'équitation. L'autre est un individu plus jeune et plus gracile dont le sexe n'a pu être déterminé.

En effet, l'état de conservation des os n'a pas permis aux chercheurs de faire une analyse ADN, de sorte qu'ils ne peuvent pas même être certains du sexe du plus âgé. Néanmoins, Charlotte Rimstad se montre confiante quant aux rapides progrès de la technologie pour en apprendre davantage à leur sujet dans un futur proche.

 

Un proche d'Harald à la Dent bleue?

Danemark - Paire de poignets avec galons tissés de soie, découverte dans la tombe de Bjerringhøj, à Mammen - Photo: R. Fortuna / Musée national du DanemarkLes analyses ont fourni d'autres informations importantes qui ouvrent la voie à de nouvelles interprétations sur la tenue des individus de Bjerringhøj et plus largement sur les vêtements de l'Âge Viking.

La quantité de soie présente dans cette sépulture dépasse de loin celle de tout autre tombe connue de l'Âge Viking au Danemark. En outre, environ 1 mètre de tissu en laine a survécu, sous la forme de 64 morceaux, tous brodés avec divers motifs tels que des oiseaux, des visages humains et des feuilles d'acanthe. L'un d'entre eux a été daté au radiocarbone et remonte à une période comprise entre 892 et 993 de notre ère.

Au total, l'examen des tissus qui ont adhéré aux os fait état de 3 types différents de textiles. Des paires de bandes tissées en forme d'anneaux seraient, d'après les chercheurs, des élements à part qui venaient s'ajouter à la tenue pour la compléter. Elles étaient apparemment portées aux poignets sans être cousus aux manches, mais aussi aux chevilles, ce qui impliquerait le port d'un pantalon long - soit une preuve matérielle rare de ce type de vêtement, en dehors des sources iconographiques. Cependant, comme aucune couture ne s'est conservée, l'apparence de cette tenue reste incertaine.

Dès 1872, les archéologues avançèrent l'idée d'après le materiel funéraire que l'individu devait faire partie de l'élite sous le règne d'Harald à la Dent bleue, voire qu'il s'agissait peut-être d'un membre de la dynastie de Jelling. "C'était un homme très riche. Il y a beaucoup de symboles de son statut social dans sa tombe, et les couleurs et les détails très inhabituels de son costume indiquent une confection vraiment haut de gamme", confirme Ulla Mannering, tout en soulignant que rien ne prouve pour autant son appartenance à la royauté.

"C'est une occasion en or de devenir encore plus savant sur les Vikings et notre histoire commune. Maintenant que les os ont enfin été retrouvés, la science peut explorer leurs secrets et enquêter à l'avenir sur un large éventail de choses passionnantes", conclut Charlotte Rimstad.

 

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