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Danemark - Une étrange excroissance osseuse découverte grâce à l'impression 3D du squelette de Gorm l'Ancien

Pour la première fois, les os du célèbre roi viking danois Gorm l'Ancien ont été reconstitués grâce à l'impression 3D.

Gorm l'Ancien fut le premier à se faire appeler "roi" du Danemark. Il a également été le premier à utiliser le terme de "Danemark" pour désigner le petit pays sur lequel il a régné pendant des décennies, jusqu'à sa mort en l'an 958.

Et bien que ses os soient abîmés et qu'une partie du squelette soit manquante, c'est bien un sensation unique de tenir entre ses mains les restes de l'un des plus grands rois du Danemark, pour l'archéologue Adam Bak.

"C'est une forte émotion que de pouvoir les tenir entre vos mains, les tourner et les retourner pour les regarder. De façon pragmatique, il est bien plus parlant de manipuler un ossement 'réel' entre ses mains que de lire un texte aride au sujet d'une figure historique abstraite. C'était alors comme si je jouais Hamlet avec son crâne", a commenté en riant Adam Bak, également conservateur du musée de Jelling.

 

Gorm avait un "bec d'oiseau" dans le cou

Grâce à la tomodensitométrie des ossements qui sont actuellement inhumés dans l'église de Jelling, les scientifiques ont été en mesure de les reconstituer en 3D.

Les radiographies 3D leur ont permis de corriger les dommages qui se sont produits dans la sépulture, a précisé Marie Louise Jørkov, spécialisée en anthropologie physique et chercheuse postdoctorale au Département de Médecine légale de l'Université de Copenhague. Cela vaut par exemple pour le crâne de Gorm, qui a subi la pression des couches de terre et du gel après tant d'années passées dans le sol.

" Ensuite, les os ont été imprimés un par un en 3D, ce qui permet de donner à voir des os qui sont actuellement ensevelis. Nous pouvons aussi réanalyser le squelette et voir à l'intérieur de l'os, s'il y a des signes de maladie qui ne peuvent pas être décelés en surface", explique Marie-Louise Jørkov qui souligne que la reconstruction du squelette de Gorm l'Ancien, par exemple, a permis de montrer clairement qu'il avait une légère et bizarre excroissance à l'arrière de la tête. "Ce qui est bizarre avec ce crâne est qu'il possède une proéminence notable dans sa partie inférieure, là où le cou se fixe à l'arrière de la tête. Cela ressemble à un bec d'oiseau et il est vraiment prononcé. Ce n'est pas tout à fait quelque chose d'inconnu, mais à l'inverse ce n'est pas si courant."

 

Un os occipital sous tension

Danemark - Reconstruction en 3D du crâne de Gorm l'Ancien - Photo: Marie Louise JørkovEn termes médicaux, cette singulière zone à l'arrière de la tête de Gorm est appelée protuberantia occipitalis externa. Tout le monde possède cet os auquel les muscles nucaux sont rattachés, mais chez certains - comme Gorm - l'os a trop grandi. L'excroissance osseuse était certainement visible dans le cas où Gorm aurait porté les cheveux courts ou était chauve, d'après Marie Louise Jørkov. 

Selon Carsten Reidies Bjarkam, professeur et directeur du département de Neurochirurgie de l'Hôpital universitaire d'Aalborg, il s'agit d'une excroissance osseuse qui, par exemple, peut avoir été causée par une tension dans les muscles et les ligaments qui se fixent à la saillie osseuse.

"On pourrait vraiment comparer cela à un durillon au pied, car c'est une réponse osseuse là aussi à une pression soutenue. L'os a simplement grandi plus fortement que ce que vous voyez normalement. C'est un processus réactif normal, qui est juste prononcé dans ce cas."

 

Pénible pour dormir

Il est relativement rare que Carsten Reidies Bjarkam examine ce genre d'excroissance osseuse présentée par Gorm, chez les patients qui viennent le consulter à la clinique. Toutefois cela arrive.

" C'est assez drôle, car en fait il y a moins de 15 jours, un jeune homme est venu me consulter avec une excroissance qui ressemblait beaucoup à celle de Gorm. Cela nous a aidé - tout simplement en faisant un moulage de l'os. La même chose que nous aurions faite avec Gorm s'il était venu et nous avait dit que ça faisait mal. Ensuite, nous aurions prélever des cellules pour approfondir l'examen afin de s'assurer qu'il n'y avait pas de cancer."

Selon Carsten Reidies Bjarkam, si Gorm avait eu un cancer, le résultat final aurait eu l'air bien pire au moment de sa mort, et comme les sources historiques nous disent que Gorm est mort très âgé, il faut supposer que son excroissance a été bénigne.

"Cela n'a pas dû lui provoquer d'autres symptômes, ni affecter ses fonctions cérébrales ou ses mouvements. Mais cela devait probablement être pénible de se tenir droit et il devait sûrement mettre sa tête sur le côté pour pouvoir dormir. Cela n'était pas agréable."

 

Une résolution qui laisse à désirer

Les restes de Gorm l'Ancien ont été découvert sous le plancher de l'église de Jelling en 1978. Selon les sources écrites, il a été initialement enterré dans le tumulus au Nord de Jelling, mais une seconde inhumation chrétienne lui a été donnée par son fils et futur roi du pays, Harald Blåtand, dit à la Dent Bleue.

Après cette découverte dans les années 70, les os de Gorm ont été étudiés pendant une longue période et radiographiés au CT-Scan au Musée national avant de retourner, le 30 Août, 2000 à l'église Jelling pour y être à nouveau ensevelis.

Mais, même si ce sont ces radiographies qui ont rendu possible la nouvelle reconstruction, elles possèdent aussi leurs limites. Au début des années 1990, période au cours de laquelle les radiographies préliminaires ont été réalisées, la résolution était loin d'être aussi élevée qu'aujourd'hui, et par conséquent il devait être difficile de tirer des conclusions définitives concernant les ossements.

A l'époque, l'étude a permis de déterminer que Gorm l'Ancien mesurait 1,70m, qu'il avait de l'arthrose au dos, qu'il n'avait pas été très musclé et que son décès est intervenu à un âge situé entre 35 et 50 ans, ce qui est loin d'être très précis: 50 ans peut être considéré comme relativement vieux pour un homme à l'Âge viking, alors que 35 ans après tout, signifiait une mort relativement précoce pour l'époque.

 

"Une question de respect de la sépulture"

Lors de la première recherche, il n'était pas possible d'extraire de l'ADN des os. Il n'y a aucune certitude, en théorie, que ce soit bien Gorm l'Ancien qui est inhumé dans l'église.

Ainsi, il a souvent été demandé au musée de Jelling d'exhumer à nouveau les ossements de Gorm afin de les examiner au moyen des nouvelles techniques qui sont apparues entre temps.

Mais d'une part, c'est une question sur laquelle l'Église et la maison royale ont leur mot à dire. Et d'autre part, il n'est pas certain que la réponse obtenue dans le cadre d'une nouvelle recherche serait fiable, d'après le conservateur Adam Bak. 

"Il a passé 800 ans dans une tombe qui se trouvait sous l'eau la plupart du temps, et ses os sont beaucoup trop endommagés. Je doute qu'il serait possible d'en extraire de l'ADN ou du strontium (un traceur qui peut nous dire quelque chose sur l'endroit où les gens sont nés et où ils ont grandi). De plus, il a été inhumé à trois reprises, il s'agit donc aussi d'une question de respect de la sépulture."

 

De nouvelles possibilités

Marie Louise Jørkov et sa collègue postdoc Chiara Villa, qui ont réalisé la reconstitution, approuvent largement les conclusions qui ont été faites concernant les ossements de Gorm lors de l'étude préliminaire.

Mais de nouvelles études offriraient des possibilités qu'il n'y avait pas à l'époque, selon Marie-Louise Jørkov.

"En fait, nous ne disons rien qui n'aille vraiment à l'encontre de ce qui a été conclu dans la première publication, mais il s'agit plutôt de montrer les possibilités de ce qui peut être fait grâce à ce type de recherche. Avec la technologie que nous avons aujourd'hui, nous pouvons prendre en compte les dommages du squelette et se fixer des objectifs qui, autrement, n'auraient pas été possibles", a-t-elle déclaré avant de continuer: "Cela semble parfaitement logique avec du matériel fragile comme celui-ci, afin d'obtenir des données rétrospectives à partir desquelles il sera possible de travailler, même après que le matériel d'origine ait été inhumé."

 

Gorm, semblable à un dieu

L'année prochaine, en 2018, cela fera 1060 ans que Gorm l'Ancien est mort. Le musée compte célébrer l'événement - sans avoir encore déterminé sous quelle forme -  et il ne fait aucun doute que les ossements imprimés en 3D feront partie de l'exposition, a annoncé Adam Bak.

"Pour nous, au musée de Jelling, l'intérêt de faire imprimer les ossements était de pouvoir les exposer. Je n'élimine certes pas le fait que les impressions 3D peuvent contribuer à de nouvelles découvertes scientifiques, telles que celles mentionnées par Marie-Louise Jørkov. Mais ce n'était pas notre principal but."

Malheureusement, il n'est pas possible de reconstruire le visage de Gorm à partir de l'impression du crâne aplati, et on ne sait donc toujours pas vraiment  - malgré l'impression 3D et la technologie moderne - à quoi il ressemblait de son vivant. 

"Les représentations que vous voyez de Gorm ne sont que pure invention, basée uniquement sur ce qui peut être lu dans les anciennes sources écrites qui, elles-mêmes sont généralement à prendre avec des pincettes. Il faut alors utiliser un peu de votre imagination,  et c'est assez drôle parce que Gorm finit toujours curieusement par ressembler à un vieil homme omniscient, avec une grande barbe blanche, un peu comme un dieu."

Jelling Gorm l'Ancien Danemark archéologie viking

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