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Irlande - Les Vikings n'ont toujours pas dévoilé tous leurs secrets

A Dublin, des cimetières, des maisons et des squelettes ont été mis au jour - mais il reste encore beaucoup à découvrir.

"Sa découverte a changé notre compréhension des Vikings et leur relation avec Dublin", déclare à TheJournal.ie la conservatrice de Dublinia, Sheila Dooley, tout en montrant le squelette d'un norvégien (surnommé Gunnar) qui s'est rendu en Irlande il y a des centaines d'années.

En 2003, la société Dunnes Stores aggrandissait son siège rue South Great George St à Dublin, quand quelque chose d'important est apparu lors des fouilles préventives: les corps de quatre hommes, avec des âges allant de l'adolescence à la fin de la vingtaine.

Il s'agissait de Vikings, inhumés entre 670 et 882 après J.-C. dans trois cas et enttre 789 et 955 pour le quatrième, selon la datation au radiocarbone. Cette découverte implique dès lors que les tombes vikings sont probablement apparues plus tôt que ce qui était généralement admis quant à la présence de Vikings en Irlande (on pensait que les premiers raids avaient eu lieu en 795, tandis qu'une forteresse côtière viking, ou longphort,​ à Dublin datait de 841).

Ce sont des découvertes inattendues comme celle-ci - le dernier jour de fouilles sur le site - qui peuvent changer le cours de décennies de recherche. Elles montrent également que la recherche sur l'histoire irlandaise n'est jamais terminée, qu' il y a toujours quelque chose à découvrir.

 

La vie après Wood Quay

Le site de fouilles de Wood Quay - Photo Eamonn Farrell/ photocall irelandAujourd'hui, il est également nécessaire pour les promoteurs et les archéologues de travailler ensemble afin de mettre au jour l'héritage de l'Irlande. "Il existe maintenant une bien meilleure relation entre les promoteurs et les archéologues qui travaillent ensemble et s'entraident", explique Dooley.

TheJournal.ie visite Dublinia, une expérience viking et médiévale interactive, alors que le parc d'attraction lance la deuxième phase de son application Dublin Walls, grâce à laquelle les gens vont pouvoir explorer la vieille ville comme elle était il y a plusieurs siècles. C'est une façon d'aider les gens à entrer en contact avec l'Irlande d'autrefois.

Il est difficile de croire qu'en parcourant la capitale, il y a peut-être, sous vos pieds, une maison viking faite en clayonnage ou les ossements d'un guerrier. Cependant, les nouveaux projets et les fouilles dans le centre-ville entraînent toujours avec eux la possibilité de tomber sur quelque chose de nouveau, et donc des informations surprenantes qui attendent d'être révélées.

"Toute la théorie au sujet du Dublin viking a changé avec un seul bâtiment, dans une localisation historiquement significative, qui se trouve être la zone de potentiel archéologique, c'est-à-dire le centre-ville de Dublin", explique Dooley concernant la découverte de Gunnar.

La zone de potentiel archéologique a été créée par le professeur Howard Clarke suite à la campagne de Wood Quay. Dans une zone particulière - marquée par une ligne en pointillés rouges- toute excavation qui se déroule nécessite la présence d'un archéologue sur place. L'une des découvertes les plus significatives sur l'histoire viking en Irlande a eu lieu à Wood Quay, là où se trouvent maintenant les bureaux du conseil municipal de Dublin. Grâce aux conditions du terrain, au bord de la rivière, les maisons et les objets vikings étaient presque parfaitement conservés.

De 1978 à 1979, il y a eu une féroce bataille au sujet du site, quand il est clairement apparu que le conseil (alors The Dublin Corporation) avait l'intention de construire ses nouveaux immeubles là où les Vikings avaient auparavant édifié leur maison. Des marches à grande échelle contre ce projet ont eu lieu, au point où les manifestants sont venus aider en travaillant sur le site, et l'événement faisait constamment la une des journaux. L'affaire a été portée devant les tribunaux, mais The Dublin Corporation a finalement obtenu l'autorisation de construire sur le site. Ce fut un moment crucial pour l'héritage irlandais, et cela a montré que beaucoup de gens ressentent une profonde connexion avec le passé de l'Irlande. 

Certains artefacts de Wood Quay sont exposés à Dublinia. D'autres sont également présentés au Musée national.

 

Un moment déterminant

Dooley déclare qu'en travaillant ensemble, les archéologues et les promoteurs peuvent forger une nouvelle dynamique positive concernant le patrimoine irlandais. "C'est pourquoi nous devons vraiment soutenir l'intérêt pour notre propre passé en permettant aux archéologues et aux promoteurs de développer cette relation qui est d'ores et déjà mutuellement bénéfique", dit-elle. "Et c'est vraiment un moment passionnant, car je pense que les attitudes changent à présent, parce que les archéologues ont été formés pour travailler avec les promoteurs et vice versa. En d'autres termes, si vous êtes sur un site et que les archéologues creusent vers la droite, les promoteurs travaillent sur la gauche, puis ils échangent."

Une recherche ne signifie pas qu'un bâtiment ou un aménagement doit être arrêté.

"L'enjeu pour l'archéologie est que, si cela n'a pas besoin d'être retiré du sol, n'est-ce pas, maintenant [nous pouvons obtenir] une situation où les choses sont préservées in situ", explique Dooley. "Par exemple, sous l'entrée de Dublinia, il y a des restes humains. Ces restes humains n'avaient pas besoin d'être mis au jour parce qu'ils n'ont pas d'impact sur le bâtiment. Donc, ils sont préservés in situ.Vous pouvez aller à la chasse au trésor comme ils l'ont fait il y a des siècles et tout détruire, mais l'archéologie est déjà en soi un processus destructeur, tout comme l'aménagement, alors qu'en ne les détruisant pas et en les laissant bien préservés dans le sol, au moins vous les gardez là tout en enregistrant le lieu où ils se trouvent."

 

En route pour le Valhalla

Quand des découvertes sont faites, la technologie moderne signifie la possibilité d'en apprendre bien plus que lors des précedentes décennies. L'histoire de Gunnar est l'une de ces découvertes fascinantes.

"Chacun des [quatre hommes découverts à South Great George's Street] était entouré d'offrandes funéraires ce qui est très emblématique des guerriers vikings, car à cette époque, en Irlande, nous étions tous christianisés, de sorte que nous croyions tous aller au paradis, alors que les guerriers vikings croyaient aller au Valhalla, leur paradis", dit Dooley, "où l'on festoyait et combattait - ce qui est une idée du paradis pour certaines personnes- pour toute l'éternité et pour ce faire, ils avaient besoin de leur biens avec eux."

Ceux trouvés avec Gunnar consistaient en un couteau, un poignard, un peigne et une épingle. Tous fournissent des indices quant à ce que fut sa vie, selon Dooley:

"Je peux vous dire qu'il a eu des problèmes de dos, je peux vous dire qu'il était robuste, qu'il faisait environ 1,74m. Il a eu à un moment une blessure ou une fracture à une côte, il était droitier, il avait des poux, il avait 17 à 25 ans quand il est mort, ce qui pour nous fait jeune mais était pratiquement l'âge de la maturité."

Lorsque les archéologues l'ont mis au jour, ils ont trouvé de minuscules phalanges de nourrisson dans sa cavité thoracique, indiquant qu'il a été enterré avec un enfant sur sa poitrine.

L'analyse isotopique de ses dents montre qu'il venait de Norvège. Les ostéo-archéologues ont également été en mesure de déterminer qu'il avait une déformation dorsale génétique, ce qui n'a pas empêché l'homme robuste de devenir un pilleur d'élite.

De minuscules pièces de métal trouvées autour de son corps révèlent qu'il pratiquait la forge de métaux.

Il y a eu des aspects étranges lors de sa découverte: il manquait sa tête (à l'exception de sa mâchoire), et la partie supérieure de ses jambes se trouvait à un angle différent de la partie inférieure. Etant donné que son bouclier et son épée ont disparu, les archéologues pensent que c'est parce que ses jambes ont été déplacées lorsque ces objets ont été volés. "Le vol de tombes était assez répandu", dit Dooley. Le fait que sa rotule soit restée intacte malgré cela, indique que le vol a eu lieu moins de 15 ans après son enterrement.

Les premiers raids vikings - pendant la période de christianisme - ont ouvert la voie à 200 ans de raids, de pillages et de colonies vikings ici.

"Gunnar fait partie de cette force d'invasion potentiellement précoce, cette élite de guerriers vikings qui ne s'était pas encore stabilisée pour autant", explique Dooley. "Il y avait énormément de raids à l'époque, mais cette date de 841 est la date à laquelle les historiens estimaient précédemment qu'ils avaient installé leur boutique pour ainsi dire. Stationnant leurs bateaux à proximité de l'actuelle bibliothèque de Chester Beatty et disant 'nous sommes là pour de bon'. Et durant une décénie entière auparavant, il y avait eu beaucoup de pillages. "

Les vestiges d'environ 200 maisons vikings ont été trouvés lors des fouilles à Dublin, alors qu'une petite communauté vivait à  Annagassan, dans le comté de Louth. Le "triangle viking" dans le Sud-Est indique le lieu où les Vikings ont eu un impact encore plus grand. Les moines, de façon compréhensible, n'aimaient pas les Vikings, car ils étaient souvent la cible des raids des hommes du Nord. Dooley rapporte qu'en 841 un moine a écrit sur un manuscrit: "Les païens encore à Dubh Linn" (où le château de Dublin se trouve aujourd'hui).

Une autre découverte importante est celle d'un énorme site de sépultures à Islandbridge contenant les corps de dizaines de guerriers vikings - la prochaine fois que vous serez près de Heuston, imaginez qu'à un moment donné, il recelait un cimetière viking.

 

Un héritage viking

Les Vikings "nous ont rendu beaucoup plus grands", dit Dooley en riant, mais ils nous ont également laissé beaucoup de vocables - des mots comme "outlaw" (hors-la-loi) et "husband" (mari). "Le mot 'honeymoon' (lune de miel) est un mot viking, apparu alors que les Vikings auraient bu de l'hydromel durant plusieurs lunes comme une célébration après un mariage", dit-elle. "Cotter, Doyle, Dooley - certains de ces noms sont potententiellement d'ascendance viking".

"C'est un autre aspect de la vie viking, aussi barbares et perfides qu'ils aient été et bien qu'ils aient terrorisé notre société, ils ont également aidé à établir nos villes", ajoute-t-elle. "Il y avait déjà de petits établissements en Irlande, mais ils ont créé le Dublin que nous connaissons aujourd'hui. Nous pouvons encore marcher dans Dublin, descendre Fishamble Street ou Cook Street et tous ces quartiers ont en commun une histoire qui remonte aux Vikings. Ils sont toujours avec nous de bien des manières, comme par la langue."

Dooley dit aussi que les Vikings étaient plus ouverts que ce que nous pourrions penser: ""Au moment du référendum sur l'égalité, je me suis intéressée à la façon dont la société Viking a traité ou toléré voire adopté l'égalité en son sein. Et en Islande, lieu d'une société viking bien établie, ils ont accueilli, et non abhorré, toute forme d'homosexualité. Tant que cette personne était capable de prendre part à la communauté et d'avoir des relations qui n'affectaient pas de manière négative la communauté, alors ça allait. C'était une société égalitaire."

Lorsque l'on quitte Dublinia, il est clair qu'il y a là encore beaucoup à découvrir sur la façon dont les Vikings ont eu un impact sur l'histoire irlandaise. "J'espère que nous pourrons continuer à faire des recherches dans la vaste collection qui se trouve au Musée national", déclare Dooley au sujet de l'importante découverte de Wood Quay, car selon elle, il reste encore beaucoup à découvrir.

Dublinia, en partenariat avec le Conseil de la ville de Dublin et le soutien apporté par le Irish Walled Town Network, a lancé la deuxième étape de la plate-forme d' apprentissage en ligne de Dublin viking et médiévale, aux côtés de l'application gratuite Dublin City Walls.

L'application mise à jour de Dublin City Walls vous permet de visualiser l'enceinte médiévale de la ville en utilisant le GPS pour localiser votre itinéraire. Le long de la route, il y a des vidéos animées recréant des sections de remparts de la ville de Dublin, des photographies et des textes de l'archéologue Linzi Simpson. Dublinia organise également une série d' événements pour rapprocher les gens de la ville viking et médiévale de Dublin.

 

Medieval Dublin Online - The City Walls from Noho on Vimeo.

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