IDAVOLL

Norvège - Des plumes de hibou dans les oreillers des Vikings

Peu de personnes sont capables d'identifier un oiseau à partir d'une seule de ses plumes, alors quand cette plume a plus d'un millénaire, la tâche devient particulièrement ardue. Des scientifiques ont cependant relevé le défi et ont ainsi découvert que les Vikings confectionnaient leurs oreillers à base de plumes provenant de diverses espèces d'oiseaux, dont le hibou. 

Les oreillers ont presque toujours été confectionnés avec des plumes d'oie et de canard, comme c'est encore parfois le cas de nos jours. Mais les Vikings ne se sont pas limités à ces espèces.

"Du hibou", a annoncé Jørgen Rosvold, chercheur postdoctoral au département d'Archéologie et d'Histoire naturelle du NTNU, à Trondheim, au sujet d'une plume.

Une ressource précieuse

Norvège - Morceau d'une plume de corneille bien conservé, d'environ 1cm, issu d'une tombe de l'Âge Viking - Photo: Jørgen Rosvold, NTNU VitenskapsmuseetJørgen Rosvold est l'un des rares spécialistes en Norvège à être en capacité d'identifier des oiseaux à partir uniquement de leurs plumes. C'est donc lui qui a examiné les plumes d'un oreiller mises au jour dans une tombe viking, et a notamment établi qu'une partie d'entre elles appartenaient au plus grand rapace nocturne d'Europe, le Hibou grand-duc [appelé aussi Grand-duc d'Europe (Bubo bubo)].

De l'eider, dont le duvet est très réputé pour sa légèreté et son pouvoir isolant, a également été trouvé, ainsi que des plumes plus communes de corbeau. D'après Rosvold, tout indique que les gens récoltaient simplement ce qu'ils trouvaient pour confectionner leurs oreillers, peu importe l'espèce: "cela montre que les plumes étaient une ressource précieuse, et qu'ils les utilisaient toutes."

Le duvet des eiders est aujourd'hui encore très recherché et une couette de 140x200 se vend plus de 2000€. Seuls 16 grammes environ peuvent être recoltés dans chaque nid au moment de la mue, et il faut 500 grammes à 1 kilogramme pour réaliser un édredon, ce qui équivaut à environ une soixantaine de nids.

Il est donc aisé d'en déduire qu'à l'époque viking, les plumes de ces canards - qui vivent esentiellement dans l'hémisphère Nord, à la limite de la banquise- devaient déjà être un produit de luxe, et que le fait de posséder un oreiller et une couette constitués de ce duvet était probablement réservé aux personnes les plus riches de la société nordique.

 

Tout un art

Les travaux de Jørgen Rosvold s'inscrivent dans un plus large projet de recherche appelé Dunprosjektet ["Duvet" en norvégien], dont l'un des objectifs est de développer une méthode permettant d'identifier les petits échantillons de plumes mis au jour par l'archéologie. En effet, il n'est pas toujours aisé de dire de quelles espèces proviennent les plumes, surtout lorsqu'il n'en reste que d'infimes parties.

"Parfois, il est tout juste possible de dire que le rachis est celui d'un canard [ce mot étant un terme générique pour désigner un grande variété d'espèce d'oiseaux aquatiques domestiqués ou sauvages]", explique le chercheur. Les plumes sont simplement trop similaires pour savoir, à l'intérieur d'une famille, si elles proviennent de telle ou telle espèce en particulier. Par conséquent, c'est tout un art de parvenir à identifier une espèce précise.

Cependant, le musée possède une grande collection de plumes, et si le chercheur parvient à découvrir la famille d'oiseau à laquelle appartient une plume, il peut ensuite accéder aux spécimens de cette collection et établir des points de comparaison.

En règle générale, les parties les plus duveteuses présentent des caractéristiques qui permettent d'identifier leur propriétaire. Les barbules sont les plus utiles. La forme et la distribution des différentes barbules, les minuscules inégalités et la couleur sont autant d'indices. "Il est possible de bien voir la pigmentation, même après une longue période", explique Rosvold. Par exemple, les couleurs de plumes datant du début de l'Âge Viking, vers 800, sont encore décelables.

Les plumes du poulet se reconnaissent aux anneaux qui entourent les barbules tandis que celles du canard se distinguent par des terminaisons triangulaires. "Si nous n'allons pas plus loin que la famille au moyen du microscope, nous pouvons dans certains cas procéder à des analyses d'ADN. De telles analyses deviennent également plus faciles lorsque nous avons limité les familles d'oiseaux possibles", explique Rosvold.

Quant à Leena Aulikki Airola, conservatrice au NTNU, elle examine une plume issue d'une tombe viking, qui a été entièrement recouverte par des dépôts de fer corrodé. Cest ce qui peut arriver lorsqu'une épée, par exemple, a été déposée sur un oreiller de plumes. Au fil du temps, la corrosion du fer laisse des traces de rouille sur les plumes.

 

La tombe d'Oseberg également à l'étude

Le projet Dun, dirigé par le professeur Birgitta Berglund, prévoit l'analyse d'échantillons allant de 570 après J.-C. jusqu'à la fin de l'Âge Viking. S'il n'a pas été découvert jusqu'à présent de plumes et de duvets plus anciens en Norvège, cela ne signifie pas pour autant qu'ils étaient absents de la literie avant le VIème siècle. Les Romains utilisaient déjà beaucoup de plumes pour leurs oreillers.

De nos jours, le long de la côte du Helgeland, une partie du comté de Nordland située au sud du cercle Arctique, les gens ont coutume de faciliter le retour des eiders chaque année en construisant des nichoirs et en assurant leur protection. En retour, les eiders laissent de grandes quantités de duvet sur place. Cette collaboration entre l'homme et les oiseaux pourrait, d'après Jørgen Rosvold, remonter très loin dans le temps puisqu'ils ont déjà identifié des plumes d'eider.

Pendant longtemps, les gens ont simplement ramassé ce qu'ils trouvaient et ont fourré leur oreiller avec. 

Les chercheurs se penchent à présent sur les tombes suédoises et norvégiennes de la fin de l'Âge du Fer, et en particulier la tombe d'Oseberg pour découvrir quelles espèces d'oiseaux sont concernées. À l'intérieur du bateau-tombe d'Oseberg, les deux femmes âgées dont c'était la sépulture étaient placées l'une à côté de l'autre dans un lit avec des édredons et des oreillers. D'autres lits faisaient partie des offrandes funéraires dans cette sépulture - tous probablement équipés de couettes et d'oreillers remplis de plumes d'oiseaux, qu'il reste donc à identifier. 

viking découverte archéologie Norvège

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire