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Suède - Une polémique soulevée par des écritures arabes sur un tissu de l'Âge Viking

Annika Larsson, de l'Université d'Uppsala, prétend avoir identifié des caractères calligraphiés en kufi sur un galon de soie découvert dans une tombe de l'Âge Viking, en lieu et place de ce qui était auparavant considéré comme un motif typiquement viking. 

Dans les motifs du tissu, Allah et Ali seraient tous deux invoqués. C'est ce que de nouvelles recherches menées par l'Université d'Uppsala ont mis en évidence. Ces caractères arabes apparaissent, d'après les chercheurs, sur une tenue funéraire découverte dans un bateau tombe à proximité de Gamla Uppsala, mais aussi sur des fragments de tissus provenant de sépultures qui se trouvent à Birka, un site central de la région de Mälardalen à l'Âge Viking.

02.10.2017- Le motif sur le galon de soie serait du kufi

Une lecture en miroir

"Un détail intéressant est que le mot «Allah» se lit en miroir. C'est stupéfiant quand on pense que les galons, comme les tenues, ont été confectionnés à l'Ouest de la principale région musulmane. Peut-être qu'ils ont essayé d'écrire des prières afin que celles-ci puissent être lues de gauche à droite, mais avec des caractères arabes comme il se devait. L'explication si souvent avancée selon laquelle  la présence d'objets orientaux dans les tombes vikings ne résulteraient que du pillage et du commerce plus à l'Est ne tient pas, car l'inscription se trouve sur une tenue typique de l'Âge Viking", explique Annika Larsson, chercheuse en Archéologie des textiles du Département d'Archéologie et d'Histoire ancienne à l'Université d'Uppsala.

C'est durant la reconstitution de motifs de textiles en vue de l'exposition Viking Couture au musée Enköpings, que les chercheurs ont découvert des fragments de tissu présentant une ancienne écriture arabe, le Kufi [ou coufique - la plus ancienne forme calligraphique de l'arabe développée dans la ville de Koufa, en Irak], invoquant à la fois Allah et Ali. Les caractères coufiques se trouvaient à l'époque des Vikings sur les mosaïques de tombeaux et de mausolées, en particulier en Asie centrale. Ces mêmes caractères coufiques, là encore, se trouvent à présent mis au jour dans des sépultures de l'Âge Viking, sur des sites centraux tels que Birka, mais aussi dans des bateaux tombes aux alentours de Gamla Uppsala.

 

Une influence orientale dans les sépultures vikings

"Les offrandes funéraires sous la forme de beaux vêtements, finement cousus dans des tissus exotiques, ne reflètent guère la vie quotidienne des défunts, pas plus que les tenues de soirée ne reflètent de nos jours nos vêtements du quotidien. Les matières des riches offrandes funéraires devraient plutôt être considérées comme l'expression matérielle de valeurs plus profondes", estime Annika Larsson.

Annika Larsson a depuis longtemps souligné dans ses recherches l'existence évidente d'une influence orientale dans les tombes de l'Âge Viking en Scandinavie. Dans les bateaux tombes de Valsgärde, situés à 3 kilomètres au Nord de Gamla Uppsala, la découverte des costumes funéraires va bien au-delà de celle de simples tissus de laine ou de lin. Les analyses de ces deux matériaux ainsi que des techniques de tissage et des formes des motifs suggèrent des origines dans l'ancienne Perse et l'Asie centrale.

"Dans le Coran, il est dit qu'au paradis il y aura des vêtements de soie, ce qui, avec ces inscriptions sur les galons de soie, peut expliquer l'apparition répandue de la soie dans des tombes de l'Âge Viking. Les découvertes concernent aussi bien les sépultures des hommes que celles de femmes. Les coutumes funéraires de l'époque ont probablement été influencées par l'Islam et l'idée d'une vie éternelle au paradis après la mort", conclut Annika Larsson.

 

L'exposition Viking Couture

Les résultats de sa recherche sont présentés dans le cadre de l'exposition Viking Couture, au musée Enköping. L'exposition a été réalisée en collaboration avec des chercheurs, des designers de textiles et des couturiers ou couturières, et repose en grande partie sur une communication visuelle et des animations ludiques. Les textes de l'exposition sont également affichés en arabe.

Le groupe du projet Archéologie des textiles est formé aussi bien d'artistes tels que Shabnam Faraee et Ylva Ceder, que de la scientifique Karolina Pallin qui a recréé les bandes de tissu pour l'exposition. 

En parallèle, des analyses ADN des restes humains provenant des tombes concernées sont en cours de réalisation. Ces analyses effectuées par le Professeur Marie Allen et son équipe de recherche du Département d'Immunologie, de Génétique et de Pathologie de l'Université d'Uppsala, devraient permettre d'apporter des réponses sur les origines sociale et géographique des individus.

L'exposition Viking Couture est présentée au musée Enköping, du 30 septembre 2017 au 4 février 2018.

 

18.10.2017 - "Allah" ne figure pas sur le galon de soie de l'Âge Viking selon une experte de l'art islamique

Une experte a contesté les affirmations selon lesquelles le nom d'Allah a été brodé sur des vêtements funéraires vikings - une découverte saluée comme "une première historique" que des chercheurs suédois avaient annoncé début Octobre.

Stephennie Mulder, professeure agrégée d'Art et d'Architecture islamiques de l'Université du Texas à Austin, conteste les conclusions d'Annika Larsson, affirmant que l'inscription n'est "pas du tout de l'arabe". 

Une erreur de datation

Annika Larsson concluait d'après ces recherches que les inscriptions constituaient la preuve de "coutumes funéraires vikings influencées par l'Islam et l'idée d'une vie éternelle au Paradis après la mort"Ce à quoi Stephennie Mulder rétorque qu'il existe un "sérieux problème de datation".

Mulder explique en effet que l'écriture coufique n'existait pas à l'époque des Vikings et que même si cela avait été le cas, l'inscription ne signifie rien en arabe. "Supposons qu'il y ait eu des textiles d'Asie Centrale du Xème siècle avec de l'écriture coufique. Même ainsi, il se trouve que le dessin de Larsson ne signifie pas 'Allah'", écrit-elle sur son compte twitter, avant d'ajouter: "Au lieu de cela, le dessin dit  'للله 'lllah', ce qui n'a fondamentalement aucun sens en arabe."

 

Une extrapolation en guise de preuve

Stephennie Mulder ajoute que l'affirmation de Larsson est "basée sur une extrapolation, pas sur une preuve", citant une autre spécialiste du textile, Carolyn Priest-Dorman, qui a écrit que l'interprétation se fonde sur "des prolongements du motif, pas sur un motif existant." Mulder spécifie que "le dessin de reconstitution de l'archéologue Annika Larsson présente des prolongements de chaque côté qui comprennent un 'ha'." (cf. photo)

Selon l'analyse de Priest-Dorman et de Mulder, il n'est possible de lire le mot "Allahqu'en partant uniquement du postulat que le tissu brodé était à l'origine deux fois plus large qu'il ne l'est à présent, et seulement dans le cas où le motif a été reproduit d'une façon spécifique, ce qui amène Mulder à dire que "les supputations​ de Larsson sont entièrement conjecturales ".

 

Suède - En miroir, le mot

Des rébus à déchiffrer

Annika Larsson, chercheuse en Archéologie textile du département d'Archéologie et d'Histoire ancienne de l'Université d'Uppsala en Suède, a contesté les critiques sur ses conclusions, affirmant qu'il y a un "malentendu" de la part de Mulder à propos des images.

"Les écritures sur les galons sont comme des messages secrets. J'ai d'abord pensé qu'ils avaient été reproduits par quelqu'un qui ne comprenait pas le message. Mais les motifs des rubans sont comme une énigme ou un rébus à lire ", a-t- elle déclaré. "J'ai parlé avec des musulmans qui m'ont dit que même de nos jours, parfois, certains ne veulent pas dire / écrire / réprésenter le nom de dieu clairement, et qu'il est alors possible de le faire sous la forme d'une énigme, ou encore en effet miroir. Je pense que c'est ce qu'ils ont fait sur ces rubans."

"Le projet est présenté dans une exposition au Musée Enköpings, non loin de Stockholm, où nous avons reconstitué deux galons. C'est comme un message caché ou secret, qui est encore utilisé parfois dans la tradition musulmane pour écrire le nom de Dieu ", a-t-elle réaffirmé.

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Commentaires

  • Abdallah
    • 1. Abdallah Le 19/03/2024
    Bonjour,

    Effectivement il est écrit sur la dernière photo en kufi Allah. Je me demande si cette experte est compétente car il est connu qu'en kufi le Alif arabe se lie de droite alors que ce n'est pas le cas dans l'arabe "normal" ; et seul un arabisant débutant ferait l'erreur de se poser la question si le Alif présent au début du mot serait un Lam à cause de la ligature (qui je le répète est commune en écriture commune ou les ligatures diffèrent de l'arabe normal). Un exemple clair de cela est le drapeau iranien sur lequel il est écrit Allah en écriture kufi un certain nombre de fois et ou la ligature, de même que sur le motif de l'article, est présente.

    La seul extrapolation qui est présente se trouve au niveau du He à la fin mais qui semble stylistique pour des fins de symétrie avec le motif.

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