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France - La Mora, le navire de Guillaume le Conquérant, renaît à Honfleur

Le chantier-spectacle de la reconstruction de la Mora, le navire de Guillaume le Conquérant lors de sa traversée de la Manche pour conquérir le trône d’Angleterre, devrait ouvrir ses portes au public dès l'automne 2023, à Honfleur. La mise à l’eau du navire est prévue au plus tard en 2030.

En septembre 1066, Guillaume le Conquérant prenait la mer à bord de son navire amiral, La Mora, héritier des langskip vikings et d’une capacité de 60 rameurs, pour conquérir l’Angleterre. Près d'un millénaire plus tard, une association de passionnés par l’histoire maritime normande, et en particulier par l’épopée de la flotte du Duc de Normandie, s'est lancée le défi de construire un navire similaire et d’inscrire cette renaissance, à Honfleur, dans un projet culturel et sociétal fort.

 

Première pierre posée le 16 Septembre 2022

L’association loi 1901 La Mora – Guillaume le Conquérant est officiellement constituée à Honfleur depuis le 2 février 2018. Elle s'est donnée trois grandes missions:

  • faire renaître la Mora à travers un chantier spectacle ouvert au public,
  • créer un parcours scénographique,
  • être un levier pour l’emploi, l’insertion et la formation.

Une vingtaine de membres bénévoles a déjà fédéré autour de ce projet de nombreux passionnés réunis au sein de plusieurs comités spécialisés. Le 18 juin, à l’occasion d'une assemblée générale, Olivier Pagezy, qui occupait la fonction de vice-président, a été élu à la présidence de l’association.

"Peu de temps avant de nous quitter, Alain Bourdeaux m’avait demandé de lui succéder à la présidence de l’association la Mora – Guillaume le Conquérant. C’est bien naturellement que j’ai accepté car j’étais disponible après un engagement de 20 ans comme trésorier puis président de l’Association Hermione – La Fayette. " déclare-t-il sur le site du projet. "Comme le souhaitait Alain, l’aventure de la reconstruction de la Mora est un projet de territoire qui doit bénéficier à toute la Normandie. Au-delà de sa vocation culturelle et touristique, elle a pour mission de rappeler l’histoire maritime brillante de toute la Normandie. J’ai également à cœur de développer la dimension formation-insertion du projet."

La première pierre lançant la réhabilitation des bâtiments de la jetée Est d'Honfleur, choisis pour accueillir le chantier-spectacle de la Mora, a été posée le vendredi 16 septembre 2022. L'ouverture du site au public est prévue dès l’automne 2023. 

 

Scène 38 de la tapisserie de Bayeux

France - La Mora, navire de Guillaume le Conquérant, représenté sur la Tapisserie de Bayeux (scène 38) - Illustration: Musée de la Tapisserie de BayeuxLa Mora était le navire de guerre offert à Guillaume II par son épouse Mathilde de Flandre, qui en commanda la construction à Barfleur. Après la conquête, Guillaume l'utilisa pour ses allers-retours entre l'Angleterre et la Normandie. Plusieurs chroniqueurs du XIème siècle parmi lesquels Guillaume de Poitiers, le moine Guillaume de Jumièges ou encore Guy d’Amiens, chapelain de la reine Mathilde, donnent une idée assez précise de la façon dont les événements se sont déroulés. 

D’autres sources apportent des informations plus précises sur le navire-même, la plus connue étant la tapisserie de Bayeux. Réalisée peu de temps après le couronnement de Guillaume le Conquérant sur le trône d'Angleterre le 25 décembre 1066, elle raconte toute l’épopée de la conquête à travers 58 scènes brodées sur une toile de lin et est la seule représentation iconographique de la Mora.

Le navire ducal apparaît sur la scène 38 et se reconnaît à ses dimensions plus imposantes, à sa figure de poupe en forme de personnage tendant le bras vers l’Angleterre et à son fanal béni par le pape.

Quant au nom, La Mora, il apparaît dans un document unique conservé à Oxford, "La liste des navires". Cet inventaire quasi complet des bateaux engagés dans l’épopée apporte des éléments concordants, notamment sur la figure de proue  – contrairement à la tapisserie de Bayeux, "La liste des navires" présente en effet le personnage à la proue, précise l'association sur son site Internet.

 

Un navire le plus authentique possible

La reconstruction de la Mora se veut la plus authentique possible. Outre la tapisserie de Bayeux, l'association s’appuie sur l’expertise de son comité scientifique, composé entres autres de spécialistes de l’histoire maritime normande, d'experts en archéologie maritime, d'architectes navals et de charpentiers de marine.

Le savoir empirique du Musée de Roskilde, au Danemark, qui a reconstruit plusieurs répliques des épaves du XIème siècle découvertes à Skuldelev en 1962 en respectant les techniques et les gestes de l'époque, est une autre précieuse ressource. 

La synthèse de toutes ces connaissances est ce qui a permis d'esquisser, 955 plus tard, l'apparence de la nouvelle Mora. "C’est un bateau de guerre de type viking au profil très effilé et donc rapide. Nous sommes partis sur un navire en chêne de 34 mètres de long et de 5 mètres de large capable de transporter 70 hommes d’équipage dont 60 rameurs. Il aura aussi un gréement à voile carrée de 150 m2 ", précise dans une interview sur le site Internet de l'association  Marc Ronet, l’architecte naval qui a réalisé les premiers plans du navire.

 

De l'archéologie expérimentale

Ce projet qui va mobiliser une dizaine de compagnons durant 5 ans, exige aussi de rechercher et de comprendre les techniques utilisées au XIème siècle, ainsi que les choix opérés par les charpentiers d’alors. 

"Contrairement à ce que nous avons l’habitude de faire aujourd’hui, la construction de l’esnèque se fait en bordés premiers. On commence par monter les bordés, l’enveloppe extérieure, avant de poser les membrures, c’est-à-dire le squelette. Cette méthode implique un savoir-faire très particulier et moins d’outillage mais c’est aussi un reflet des moyens disponibles au XIème siècle", explique Marc Ronet. "Les charpentiers de marine vont devoir réapprendre ces gestes et ces techniques qui ne sont plus utilisés aujourd’hui. "

Feu le président Alain Bourdeaux n'avait pas manqué d'évoquer la vocation qu'aura naturellement la Mora à naviguer, une fois achevée: "Ce bateau sera capable de mener des navigations côtières, pour rallier les ports normands, et hauturières pour rejoindre l’Angleterre. Nous avons déjà en tête un voyage inaugural qui fera escale dans les ports normands "historiques" et s’achèvera en Angleterre, à Londres, pour le symbole mémoriel partagé dans l’amitié entre les deux nations".

Pour ce faire, le bateau devra donc aussi être agréé par les Affaires maritimes. "Le second défi porte sur l’homologation du bateau car les normes européennes ne prennent évidemment pas en compte les navires du XIème siècle. Or les 34 mètres de long de la Mora la classent parmi les bateaux de grande plaisance! Nous réfléchissons avec les Affaires maritimes pour trouver des solutions techniques afin de répondre aux normes de sécurité actuelles", confie l’architecte naval.

 

Un chantier pour la formation, l'insertion et l'emploi des jeunes

Logo de l'association La Mora- Guillaume le ConquérantL’association La Mora - Guillaume le Conquérant souhaite faire du chantier-spectacle une passerelle au service de la formation, de l’insertion et de l’emploi des jeunes. "L’association ne sera pas un centre de formation mais un pourvoyeur de stages et un facilitateur de rencontres avec les différents acteurs engagés dans l’aventure. Un système de parrainage sera par ailleurs mis en place afin d’accompagner les bénéficiaires dans leur recherche de formation, de stages ou d’emploi", détaille Aurélie Findinier, déléguée générale de l’association.

Les modules de formations ou de stages s’intéressent particulièrement aux jeunes âgés de 16 à 25 ans de tout niveau d’étude: lycéens, étudiants, jeunes en désorientation professionnelle, sortis du système scolaire ou éloignés de l’emploi, étudiants en fin d’études, élèves en alternance ou en apprentissage. L’étendue des activités mises en œuvre dans le cadre du chantier-spectacle va permettre de proposer un large panel de domaines de stages: construction navale, accueil du public, librairie, boutique, billetterie, visites guidées, maintenance du site, services administratifs… 

Un kiosque des métiers de la mer, équipé d’écrans numériques, sera installé en libre-service sur le site et des emplois saisonniers devraient également être proposés. "Ce projet se veut aussi un levier pour faire naître des vocations", souligne Denis Staderoli, le responsable du Comité Formation-Insertion de l’association. "Nous allons notamment travailler avec les établissements scolaires du territoire pour les accueillir une ou plusieurs fois par an afin de faire rêver les enfants devant ce chantier. Des déclics et des idées d’orientation naîtront peut-être!". 

Le chantier sera aussi l’occasion de former le futur équipage de La Mora!

 

Un projet scénographique et pédagogique immersif

Le chantier-spectacle de reconstruction de La Mora s’accompagne d’un projet scénographique et pédagogique immersif racontant l'épopée de la conquête de l’Angleterre et, plus largement, l’histoire maritime de la Normandie. 

À coups de jeux de lumières et d’effets spéciaux, de décors reconstitués et d’écrans tactiles, les visiteurs seront littéralement placés au cœur de l’Histoire dans un espace d'environ 500m². Une voix off, celle d’un charpentier de marine descendant des Vikings, servira de fil rouge pour les guider tout au long de la visite. Quatre salles - "Ygdrasill, l’arbre monde", "Le scriptorium", "À bord de la Mora" et "Normandie, terre d’aventuriers marins "- présenteront toutes des thématiques et ambiances singulières dans une démarche chronologique. Une cinquième salle sera dédiée aux expositions temporaires.

Grâce à un travail en parfaite synergie entre le Musée de la Tapisserie de Bayeux et le comité scientifique, plusieurs scènes de la célèbre broderie, en particulier la scène 38 où apparaît La Mora, seront mises à l'honneur. La scénographie est confiée à La prod est dans le pré, basée à La Rochelle (17), ainsi qu’à Spectaculaire, basée à Saint-Thurial (35), en Bretagne pour les effets 3D.

"La Mora reçoit 4 millions de subventions sur un besoin de financement estimé à 7 millions jusqu’à l’ouverture du site et donc de la billetterie. Le delta, c’est les banques, les dons, et l’État. Le foncier reste la propriété du Département", a indiqué le président de l'association Olivier Pagezy au journal Actu.fr. L'association compte sur les futures recettes des entrées du chantier-spectacle et de la boutique pour récolter, au fil des ans, les 3 millions d'euros supplémentaires qui serviront à couvrir le coût du chantier naval.

 

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La presse en parle

 

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