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France - Un lifting prévu en 2024 pour la Tapisserie de Bayeux, joyau du XIème siècle

C'est une "vieille dame" chère aux Britanniques qui a besoin d'une cinquantaine de personnes pour se déplacer. Âgée de près de 1000 ans et fragilisée par d'innombrables petites dégradations sur ses 70 mètres de long, la Tapisserie de Bayeux va être restaurée, mais pas avant 2024. 

"C'est une vieille dame qui a près de mille ans, une toile de lin très très fine brodée de laine avec de multiples dégradations. En cas de péril, toute manipulation de l’œuvre dans son état actuel peut entraîner de nouvelles altérations. C’est la raison principale de cette intervention", a expliqué à l'AFP Antoine Verney, conservateur en chef du musée où se trouve ce monument, probablement conçu à Canterbury (sud-est de l'Angleterre), retraçant la conquête de l'Angleterre par Guillaume, duc de Normandie en 1066.

 

24 200 taches et 10 000 trous

En janvier 2020, huit restauratrices-conservatrices spécialisées en textiles anciens ont inspecté cm2 par cm2, à raison d'un mètre par jour et par experte, la tapisserie du XIème siècle classée au registre Mémoire du Monde de l'Unesco.

Parmi les centaines de personnages et d'animaux qui foisonnent sur le tissu, elles ont relevé notamment près de 24200 taches et 10000 trous, selon leur "constat d'état" publié en février.

Les réparations effectuées par le passé et "les dimensions exceptionnelles de cette oeuvre donnent l'illusion d'un bon état général de conservation" mais "l'état structurel de la toile, support des broderies, est très fragile et préoccupant, ce qui rend toute manipulation extrêmement délicate", peut-on lire dans leur rapport. Les dernières réparations datent de 1870.

Quid dans ces conditions du "prêt éventuel" de l’œuvre au Royaume-Uni évoqué par Paris et Londres en 2018 ? "Aucune décision n’a encore été prise concernant le prêt éventuel", a indiqué mardi soir à l'AFP la Direction régionale des Affaires culturelles. Mais "le constat a montré que l’œuvre n’était pas transportable avant d’être restaurée", ajoute la DRAC. Et tout prêt doit faire l'objet d'une convention entre l'Etat, propriétaire, et la Ville de Bayeux dépositaire. [Lire sur Idavoll: France - La tapisserie de Bayeux de retour au Royaume-Uni en 2022?]

 

Un lifting à 2 millions d'euros

Pour l'adjoint au maire chargé du Tourisme, Loïc Jamin, pas question de laisser l'oeuvre partir "une fois restaurée". La restauration de l'oeuvre doit avoir lieu en même temps que la fermeture du Musée de la Tapisserie, à partir de l'automne 2024, en raison de travaux qui permettront la création d’un nouveau musée dont l’ouverture est prévue en 2026.

Avant la crise sanitaire, la tapisserie attirait 400 000 visiteurs par an dont 70% d'étrangers. Sa restauration "est aujourd'hui évaluée à 2 millions d'euros", selon l'Etat, sans que l'on sache quel lieu, forcément proche de celui de sa conservation, pourra accueillir la remise en état d'une oeuvre aussi monumentale que fragile.

Le prêt aux Anglais de cette première transcription en images d'un épisode clé de l'histoire de l'Europe du Nord-Ouest serait une première. Il a déjà été deux fois envisagé, sans aboutir: en 1953 pour le couronnement de la reine Elisabeth II et en 1966 pour le 900ème anniversaire de la bataille d'Hastings, à l'issue de laquelle Guillaume, duc de Normandie devient roi d'Angleterre.

 

Certaines altérations ont un intérêt historique

Rien que pour déplacer l’œuvre dans son étroit local technique pour le constat d'état, il a fallu "mobiliser une équipe de plus de 50 personnes parfaitement coordonnées et qui ont l’habitude de réaliser ce mouvement. C’est une opération dans l’opération", souligne M. Verney.

L'idée de la restauration n'est pas de nettoyer toutes les taches ni de gommer toutes les détériorations, au risque d'abîmer davantage la toile de lin. Il s'agit plutôt de mettre à profit les 18 mois minimum de fermeture du musée pour "stabiliser" l'ouvrage. Certaines altérations seront conservées, "à moins qu'elles ne constituent un risque d'aggravation de son état", car elles ont un intérêt historique, comme certaines réparations de la toile réalisées dans le passé ou ces traces de cire provoquées par l’éclairage à la bougie dans la cathédrale de Bayeux où la tapisserie a été exposée au XVème siècle.

Plus préoccupants pour l'avenir de l’œuvre sont en revanche les trous et déchirures relevés sur le textile, qu'il résultent des clous d'accrochage ou de l'usure du tissu. La tapisserie souffre aussi de plis liés notamment à sa doublure aujourd'hui trop étroite.

La "vieille dame" de près de 350 kilogrammes (toile d'origine et de doublage) est à ce point fatiguée qu'elle sera, à l'issue de sa restauration, exposée inclinée et non plus à la verticale.

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