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Grande-Bretagne - Les Vikings, du mélange des cultures et du nationalisme

  • Le 30/09/2017
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Le mot "Viking" est entré dans la langue anglaise en 1807, à une période de nationalisme grandissant et de construction de l'empire. Dans les décennies qui suivirent, des stéréotypes durables sur les Vikings se sont développés, comme le port de casques à cornes et l'appartenance à une société où seuls les hommes pouvaient bénéficier d'un statut élevé.

 

"Les Vikings n'ont jamais été la race pure dominante que les suprématistes blancs aiment à décrire"

Vikings heading for Land, par Frank Dicksee, 1873Au cours du XIXème siècle, les Vikings ont été loués comme les prototypes et les ancêtres des colons européens. L'idée s'est enracinée d'une race suprême germanique, alimentée par des théories scientifiques grossières et nourrie par l'idéologie nazie dans les années 1930. Ces théories ont longtemps été frappées de discrédit, bien que la notion de pureté ethnique des Vikings semble toujours avoir un attrait populaire - en particulier pour les suprématistes blancs.

Dans la culture contemporaine, le mot Viking désigne généralement des Scandinaves du IXème au XIème siècle. Des expressions telles que "sang viking", "ADN viking" et "ancêtres vikings" reviennent souvent - mais le terme Viking signifiait quelque chose de très différent de l'usage actuel. Il définissait plutôt une activité: " faire le Viking". Comme pour le mot "pirate", les Vikings se caractérisaient par leur mobilité et cela ne concernait pas la majeure partie de la population scandinave qui restait à la maison.

Alors que le mot Viking est apparu à l'ère du nationalisme, le IXème siècle - i.e. lorsque les raids vikings se déroulaient au-delà des frontières de l'Europe - lui, était différent. Les États-nations actuels du Danemark, de la Norvège et de la Suède étaient encore en formation. L'identité locale et familiale était plus prisée que les allégeances nationales. Les termes utilisés pour décrire les Vikings par les gens de l'époque: "wicing", "rus", "magi", "gennti", "pagani", "pirati" n'incluent pas spécialement une définition ethnique. Quand un terme semblable à Danois tel que  "danar" est utilisé pour la première fois en anglais, il apparaît comme une étiquette politique décrivant une combinaison de peuples sous contrôle viking.

La mobilité des Vikings a conduit à une fusion des cultures dans leurs rangs, et leurs routes commerciales s'étendaient du Canada à l'Afghanistan. Une caractéristique frappante de la réussite, très tôt, des Vikings, a été leur capacité à adopter et à s'adapter à un large éventail de cultures, que ce soit l'Irlande chrétienne à l'Ouest ou le califat abbasside musulman à l'Est.

 

Du mélange des cultures

L'évolution de l'archéologie au cours des dernières décennies a mis en évidence le fait que les personnes et les biens se sont déplacés sur des distances plus grandes, dès le début du Moyen-Âge, que ce qui était admis jusque là. Au VIIIe siècle (avant la principale incursion qui marque le début de l'Âge Viking), la Baltique était un endroit où les Scandinaves, les Frisons, les Slaves et les commerçants arabes entraient fréquemment en contact. Il est trop simpliste, également, de penser aux premiers raids vikings comme des affaires vite pliées avec des navires débarquant directement de Scandinavie et repartant précipitamment chez eux.

De récents travaux archéologiques et sur les sources littéraires indiquent que les Vikings se sont arrêtés à de nombreux endroits durant leurs campagnes (que ce soit pour se reposer, se réapprovisionner, se faire verser des tributs et des rançons, réparer des équipements et recueillir des renseignements). Cela a autorisé une interaction plus durable avec les différents peuples. Des alliances entre les Vikings et les peuples locaux sont renseignées dans les années 830 et 840 en Grande-Bretagne et en Irlande. Au cours des années 850, des groupes mixtes de gaéliques (Gaedhil) et de culture étrangère (Gaill) harcelaient la campagne irlandaise.

Des récits de l'époque, rédigés en Grande-Bretagne et en Irlande, condamnent ou cherchent à empêcher les gens de rejoindre les Vikings. Et ils indiquent que les groupes armés vikings ne sont pas exclusivement composés d'une ethnie. Comme ultérieurement pour les bandes de pirates (par exemple, les premiers pirates des Caraïbes), les équipages vikings perdaient fréquemment des membres et engageaient de nouvelles recrues ralliant des membres dissidents d'origines et de cultures différentes.

La diversité culturelle et ethnique à l'Âge Viking est mise en évidence par les découvertes réalisées dans les tombes meublées et par les trésors en argent des IXème et Xème siècles. En Grande-Bretagne et en Irlande, seul un petit pourcentage de marchandises traitées par les Vikings est d'origine ou de style scandinave.

Trésor viking de GallowayLe trésor de Galloway, découvert dans le Sud-Ouest de l'Écosse en 2014, comprend des pièces de Scandinavie, de Grande-Bretagne, d'Irlande, d'Europe continentale et de Turquie. L'éclectisme culturel est une caractéristique des découvertes vikings. Une analyse des squelettes sur les sites reliés aux Vikings, utilisant les dernières techniques scientifiques, souligne un mélange de peuples scandinaves et non scandinaves, sans distinctions ethniques claires en termes de classe ou de sexe.

L'étude indique une mobilité de la population et une acculturation sur de grandes distances résultant des réseaux commerciaux de l'Âge Viking.

L'Âge Viking a été une période clé dans les processus de formation des Etats en Europe du Nord, et  il y a certainement eu, au XIème et au XIIème siècle, un intérêt grandissant à définir des identités nationales et à développer des mythes originels appropriés pour les justifier. Cela a conduit à un développement rétrospectif dans les zones colonisées par les Vikings visant à célébrer leurs liens avec la Scandinavie et minimiser les éléments non scandinaves.

Le fait que ces mythes, au moment où leur rédaction a été engagée, ne reposaient pas sur des faits précis, est perceptible dans les histoires qui se contredisent et l'expression du folklore. Par exemple, les légendes médiévales concernant la fondation de Dublin en Irlande, attribuent une origine ou danoise, ou norvégienne à la ville (beaucoup d'encre a été répandue à ce sujet au fil des ans) - et il y a une histoire de trois frères portant trois navires qui peut être comparée à d'autres légendes originelles. 

Ironiquement, ce fut le développement des États-nations en Europe qui finit par sonner le glas de l'Âge Viking.

 

Un nationalisme méconnaissable

Norvège - De la soie persane dans la sépulture d'OsebergAu début de l'Âge Viking, les notions actuelles de nationalisme et d'origine ethnique auraient été méconnaissables. La culture viking était éclectique, mais il y avait des caractéristiques communes partagées sur de vastes régions, telles que l'usage de la langue du vieux norrois, les techniques similaires de navigation et de combat, l'architecture de l'habitat et les tenues vestimentaires qui combinent des inspirations scandinaves et non scandinaves.

Il est possible de soutenir que ces marqueurs d'identité portaient davantage sur le statut et l'affiliation à des réseaux commerciaux couvrant de longues distances que sur des symboles ethniques. Une grande partie de ce qui constitue leur identité sociale ne revêt pas de caractère ethnique. On pourrait comparer cela à la culture des affaires internationales de notre époque qui a adopté l'anglais, les dernières technologies informatiques, une conception convenue des salles de réunion et le port de costumes occidentaux. Il s'agit d'une culture exprimée dans la plupart des pays du monde, mais indépendamment de l'identité ethnique.

De même, il est possible de mieux cerner les Vikings aux IXème et Xème siècles davantage par ce qu'ils ont fait que par leur lieu d'origine ou leur ADN. En délaissant l'équation simpliste selon laquelle Scandinaves égal Vikings, nous pourrions mieux comprendre ce qu'a été le commencement de l'Âge Viking et comment les Vikings ont remodelé les fondements de l'Europe médiévale en s'adaptant à différentes cultures plutôt qu'en essayant de les mettre à part.

 

L'auteure

Clare Downham - Suite à ses études à St Andrews et à Cambridge, elle a travaillé en tant que chercheur à Dublin et conférencière sur l'Histoire celtique à Aberdeen, avant de poursuivre à Liverpool en 2010. Ses publications à ce jour ont porté sur l'histoire de l'Âge Viking, avec un intérêt particulier pour l'Europe médiévale, notamment la Grande-Bretagne et l'Irlande de 400 à 1350 ap. J.C.

  • Source: www.theconversation.com (traduction Kernelyd ) - NB: toutes les sources de l'auteure sont en hyperlien dans le texte d'origine.

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