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Islande - Les Vikings à l'origine de l'une des premières catastrophes écologiques de l'Histoire

Pour la première fois, grâce à l'analyse d'une carotte de glace prélevée sur la côte est du Groenland, dans la péninsule de Renland, des scientifiques ont réussi à recréer le régime des incendies qui ont ravagé les forêts des terres septentrionales au cours des 5000 dernières années. Et d'après leurs résultats, les Vikings qui ont colonisé l'Islande sont responsables de l'une des premières catastrophes environnementales de l'Histoire.

La recherche a été réalisée par une équipe internationale de scientifiques dirigée par l'Université Ca' Foscari de Venise et l'Institut des Sciences polaires du Conseil national de la Recherche d'Italie (CNR-ISP). Les résultats, qui ont été publiés dans la revue Climate of the Past le 20 Juillet 2021, constituent une contribution cruciale à la compréhension des liens entre les incendies, le climat et l'activité humaine.
 

Moins d'ensoleillement estival, moins de feux

La glace a toujours été l'épine dorsale de l'histoire climatique et environnementale de la planète et elle permet de retracer les informations des siècles et millénaires passés sur les températures, les éruptions volcaniques et même le régime des incendies.

"L'analyse des composés chimiques trouvés dans les carottes de glace prélevées dans les zones polaires permet de recréer des aspects liés au climat et des événements météorologiques du passé", confirme Andrea Spolaor, chercheur au CNR-ISP.

"Dans ce cas, nous parlons de composés tels que le noir de carbone, l'ammonium et le lévoglucosane, produits lors de la combustion de la biomasse. En mesurant ces traceurs, nous avons constaté que dans l'extrême Atlantique Nord, qui englobe les côtes nord-est, sud-est et sud-ouest du Groenland et celles de l'Islande, il y a plus de 4 500 ans, le nombre d'incendies diminuait grâce à un ensoleillement estival plus faible, entraînant l'expansion des glaciers et une végétation plus clairsemée".

 

De l'importance de la végétation

Islande - Une partie de la carotte de glace analysée pour étudier le régime des incendies dans l'hémisphère Nord - Photo: Projet RECAPLes chercheurs de l'Université Ca' Foscari de Venise, de l'Institut CNR des Sciences polaires et du Centre pour la Glace et le Climat à Copenhague, ont examiné la carotte de glace du projet Recap (pour 'calotte glaciaire du Renland'). Ils ont pu, grâce à elle, asseoir plusieurs constats sur les causes des feux, leur occurence et leur fréquence, dans cette partie du monde. 

"Les facteurs climatiques qui affectent le plus les incendies sont les températures, l'ensoleillement estival, les précipitations et l'humidité, en parallèle de la quantité et du type de végétation", explique Delia Segato, chercheuse à l'Université Ca' Foscari de Venise. "En présence d'une végétation dense, les incendies durent généralement plus longtemps en raison d'une plus grande disponibilité de matériaux inflammables".

Mais l'étude a également révélé une autre raison pour laquelle le nombre d'incendies a massivement diminué dans l'hémisphère Nord, il y a plus de 1100 ans: l'activité humaine.

 

Les colons vikings en Islande mis en cause

Bien que le déclin des feux de forêt enregistré sur cette période puisse s'expliquer en grande partie par le refroidissement du climat à partir de l'an 700, il serait également dû à une gestion inappropriée des ressources naturelles à l'origine d'une perte de végétation, en particulier dans la région de l'Islande.

L'Islande a été colonisée depuis la Scandinavie et la Grande-Bretagne à la fin du IXème siècle. Après l'arrivée des premiers colons, elle a subi une déforestation rapide et complète en quelques décennies, écrivent les auteurs de l'étude, au cours de laquelle de vastes zones ont complètement perdu leur couvert forestier par abattage des arbres.

"La colonisation viking de l'Islande a provoqué l'une des premières catastrophes environnementales de l'Histoire et même aujourd'hui, après un millénaire, les forêts islandaises ne se sont pas complètement rétablies. Les Vikings ont déboisé massivement, causant la perte de plus de 25 % de la végétation en moins d'un siècle. Les colons, suivant les coutumes de leurs terres natales, avaient l'habitude de couper les forêts de bouleaux pour disposer du bois et d'enlever les arbustes pour ouvrir les pâturages".

Les landes herbeuses et les tourbières se sont étendues aux dépens des forêts, comme l'indiquent les dénombrements des grains de pollen, réduisant de fait les surfaces vulnérables aux feux.

 

Là où les effets sont "les plus catastrophiques"

L'impact humain dans l'extrême Atlantique Nord s'est poursuivi au cours des siècles jusqu'à nos jours, comme le soulignent les chercheurs: "Au cours des deux siècles les plus récents, nous avons constaté que les incendies ont augmenté en raison du changement climatique et des émissions causées par l'activité humaine".

L'expansion de la population et l'augmentation des taux de conversion des sols à des fins agricoles sont particulièrement pointés du doigt. 

"Les résultats de l'étude montrent que les régions situées à des latitudes extrêmes représentent l'un des premiers endroits sur Terre où le changement climatique a les effets les plus catastrophiques. Rien qu'à la fin de l'été 2020, les incendies dans le cercle polaire ont provoqué l'émission de 244 mégatonnes de CO2, dépassant de 35 % celles enregistrées en 2019. Dans ces zones, il est donc essentiel d'améliorer la compréhension des tendances climatiques et de l'histoire des incendies", conclut l'étude.

 

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