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Norvège - Pêcher, cultiver ou piller, les Vikings des îles Lofoten face au changement climatique

Des paléoclimatologues étudient depuis 2017 l'impact du changement climatique sur la vie des Vikings dans les îles Lofoten. Les vikings étaient des fermiers, des pêcheurs et des pillards. Et toutes ces activités dépendaient, dans une certaine mesure, du climat.

En 1983, du côté de ce qui est aujourd'hui la ville de Borg, un agriculteur qui labourait son champs mit au jour les vestiges d'une ancienne maison longue, l'une des plus grandes constructions vikings découvertes à ce jour. L'habitation de 83 mètres de long, était une vitrine ostentatoire des puissants chefs qui régnaient sur ce qui semble être, à première vue, une zone marginale: un archipel, les îles Lofoten, situé tout près du cercle polaire arctique.

Pendant plus de 2500 ans, le peuple des îles Lofoten a fait pousser de l’orge et du blé et pêché la morue dans l’océan glacial de l’Atlantique Nord. Ces îles étaient un enjeu du pouvoir politique viking, mais pourtant une région à la limite du climat nordique favorable à l'agriculture. Cela fait des îles Lofoten un endroit idéal pour explorer l'impact du changement climatique sur la vie des vikings.

 

Un programme de recherche sur 3 ans

Chaque année, les propriétaires terriens devaient prendre des décisions cruciales: quelles cultures planter, combien de bétail élever, combien de cabillauds pêcher, s’il fallait ou non envoyer des navires pour attaquer les riches villages européens du sud... Pour toutes ces options, chaque changement climatique mineur pouvait s'avérer un facteur majeur de réussite ou d'échec.

Depuis bientôt 3 ans, William D'Andrea, paléoclimatologue du Lamont-Doherty Earth Observatory (LDEO), une unité de recherche en Sciences de la Terre de l'Université de Columbia, située à Palisades, dans l'État de New York, et Nicholas Balascio, paléoclimatologue au Collège William et Mary à Williamsburg, en Virginie, travaillent pour reconstituer les effets à court terme des variabilités climatiques dans ces îles.

Les scientifiques sont partis du postulat qu'en examinant tout, depuis le pollen des plantes jusqu'aux déchets d'origine animale, tels qu'ils apparaissent dans les sédiments des fonds lacustres, ils pourront comprendre comment les habitants et leurs activités ont pu évoluer pour s'adapter au climat changeant. Ils recherchent des biomarqueurs, c'est-à-dire des molécules propres à des animaux ou à des plantes spécifiques, afin de déterminer la quantité et les types d'animaux domestiques élevés comme les différentes espèces végétales cultivées d'année en année.

 

Le rebond isostatique comme cause de l'abandon de la maison longue?

Norvège - La maison longue découverte en 1983 et reconstruite à Borg - Photo: Kjell Ove Storvik Lofotr / Lofotr Viking Museum"Ces communautés marginales pouvaient être très sensibles à ces changements environnementaux naturels" a déclaré Nicholas Balascio. Par exemple, les changements climatiques ont peut-être poussé les Vikings à déplacer leurs fermes vers de nouveaux lieux pour profiter des meilleures conditions possibles pour leurs cultures.

La baisse du niveau de la mer a probablement constitué un autre défi pour les Vikings de cette région. De nos jours, les îles Lofoten, comme une grande partie de la Scandinavie, sont à nouveau en train de remonter après la fonte des énormes calottes glaciaires qui recouvraient le sol pendant la dernière période glaciaire. Ce phénomène, appelé rebond isostatique, provoque l’élévation des îles et fait chuter le niveau de la mer.

Cela signifie concrètement que les hangars à bateaux construits au bord de l’eau ont très bien pu se retrouver dans les terres quelques décennies plus tard. Les emplacements des ports suffisamment profonds pour accueillir les célèbres voiliers des Vikings ont également dû changer au fil du temps. La baisse du niveau de la mer a peut-être rendu le port près de Borg inaccessible aux gros navires et joué un rôle dans ce qui a motivé l'abandon, vers la moitié du Xème siècle, de la maison longue. Bien que ces changements soient géologiques plutôt que climatologiques, William D'Andrea et Nicholas Balascio tiennent également à prendre en considération la façon dont les Vikings se sont adaptés à cette baisse du niveau des mers. 

 

L'oscillation nord-atlantique à l'origine des raids vikings?

Sur le front climatique, une variable particulièrement importante a influencé le destin saisonnier des Vikings des îles Lofoten: il s'agit d'un schéma récurrent connu sous le nom d’oscillation nord-atlantique. L'ONA, plus connue sous le sigle anglais NAO, est un mode de variabilités qui se joue sur des semaines, des mois voire des décennies, généré par la différence de pression atmosphérique entre l'anticyclone des Açores et la dépression d'Islande, qui entraîne une modification des vents dans l'hémisphère nord, des changements de pression au sol et des variations de climat (températures, précipitations).

Pour l’Europe du Nord et les îles Lofotens, l'ONA signifie qu’il y a une oscillation entre un temps humide et doux, puis froid et sec. Les chercheurs espèrent comprendre comment les agriculteurs et les pêcheurs se sont adaptés face au climat instable qui rendait l'agriculture et l'élevage difficiles, parfois pendant plusieurs années. 

Certains experts pensent que pendant les périodes de difficultés dues au climat, les Vikings ont réagi en multipliant les raids. Toutefois, selon William D'Andrea, prouver ce lien est difficile et sort probablement du cadre de leurs recherches. Les archives historiques des raids vikings ne sont pas assez détaillées pour pouvoir les comparer correctement avec les données climatiques, a-t-il précisé. 

 

Un éclairage sur les changements de notre époque

Les paléoclimatologues espèrent que leur étude apportera des informations sur la manière dont les peuples, à travers l’Histoire, se sont adaptés au changement climatique. Ces informations sont susceptibles d’éclairer la réflexion actuelle menée sur l’adaptation au changement climatique. 

"Lorsque l'on regarde une société sur une période de 1 000 ans, on se rend compte que les changements sont en réalité quelque chose qui arrive", a conclu William D'Andrea. "Nous pouvons les traiter de manière réfléchie et proactive, ou nous pouvons les ignorer.

Climate, Sea Level, and the Vikings

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