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Suède - Des archéologues contraints à la destruction d'objets de l'Âge Viking

La voie des appels d'offre signifie pour les archéologues devoir détruire des objets de l'époque des Vikings. Comment les responsables du patrimoine culturel de la Suède en sont arrivés là?

Alors que le débat fait rage dans les médias, des archéologues suédois jettent des anneaux à amulettes et autres découvertes. Le malaise et la tristesse règnent à l'idée de détruire des témoignages d'un artisanat vieux de 1000 ans. "Ce que vous faites revient à jeter notre histoire!" s'exclame Johan Runer, archéologue au Musée du comté de Stockholm.

Les anneaux à amulettes de l'Âge du Fer, ainsi que les poids et pièces de l'Âge Viking, appartiennent au genre d'artefacts qui par le passé, aussi loin que Runer s'en souvienne, ont toujours été sauvegardés.

 

Une histoire de priorités

Johan Runer a essayé de tirer la sonnette d'alarme dans un article paru dans la revue Populär Arkeologi (N° 4/2016), où il montrait comment des décisions arbitraires sont prises. En particulier, lors de fouilles archéologiques avant la construction de projets routiers, où tout ce qui importe est de mettre au jour, rapidement et à moindre frais, les vestiges du patrimoine culturel afin que les excavatrices puissent prendre le relais. Il travaille lui-même sur ce type de chantier et ne peut plus se taire. D'après lui, l'Archéologie est devenue une vulgaire place de marché.

Souvent, et en particulier dans le cas de petits chantiers, l'accord des conseils d'administration de comté est requis pour que quelques découvertes possibles puissent être préservées.

Si cela peut sembler invraissemblable, il suffit de se référer aux archives en accès libre du Riksantikvarieämbetet [Direction nationale du patrimoine de Suède]  comme par exemple le rapport 2016:38,  soit une étude archéologique préliminaire d'un site des Âges du Bronze et du Fer, à proximité de Lund: pièces de monnaie, couteaux, plaque ornementée, une bague et un poids de l'Âge Viking ou du début du Moyen-Âge ont fini dans la colonne "à recycler".

Suède - Un des anneaux à amulettes découvert à Molnby qui pourrait faire l'objet d'un recyclage - Photo: Statens Historiska MuseerSur un autre site, dans le village de culture séculaire de Molnby, sur la kommune de Vallentuna, plusieurs anneaux à amulettes de l'Âge du Fer ont été mis au rebut. Les anneaux à amulettes étaient des objets rituels utilisés au cours des Âges de Vendel et Viking.

Johan Anund, directeur régional de la Société des Archéologues des musées historiques nationaux qui a participé à l'ordonnance, déclare que les archéologues, de tous temps, ont dû établir des priorités afin de ne pas se noyer dans les découvertes. 

Ce sont les conseils d'administration des Comtés qui lancent un appel d'offre auprès de la société des Archéologues afin qu'ils mènent les fouilles. Un moyen facile de réduire les coûts est alors de réduire le nombre d'objets à conserver. Les céramiques ne nécessitent pas de conservation et sont généralement sauvées. Cependant, le fer et les métaux précieux doivent être traités après avoir passé parfois un millier d'années dans le sol. Ainsi, si celui qui a répondu à l'appel d'offre n'a chiffré que la conservation de 2 objets en metal, mais que les archéologues en découvrent 12, ils doivent en mettre 10 au recyclage.

Par ailleurs, le Musée de l'Histoire n'accepte plus maintenant que des artefacts ayant fait l'objet d'une conservation.

Le tri a lieu sur site, et le plus souvent il est le fait d'une seule personne qui peut en un clin d'oeil décider ce qui est à enregistrer ou à supprimer. Résultat, seuls les objets familiers sont conservés.

L'année dernière, un petit dragon un peu particulier a été trouvé à Birka. Il était couvert de rouille quand il a été mis au jour, mais les archéologues à Birka font partie des rares qui prennent le temps et les moyens nécessaires à la recherche. Lors de fouilles archéologiques en sous-traitance, il aurait probablement été jeté.

 

Les plus hautes instances interpelées sur leurs responsabilités

"C'est une aberration, alors que d'autres pays font tout pour préserver leur patrimoine culturel et lui redonner vie", s'indigne Lena Holmquist, archéologue à l'Université de Stockholm spécialiste de l'Âge Viking.

Runer précise que les archéologues ne sont pas en mesure de donner ou vendre les découvertes qu'ils font parce qu'ils ne veulent pas créer un marché d'objets anciens et encourager les pilleurs avec leur détecteur de métaux. Donc, poubelle.

Conclusion: Si la communauté ne croit plus qu'il est possible de prendre ses responsabilités vis-à-vis de l'Histoire de la Suède, les conseils d'administration des comtés devraient cesser le développement de projets autour des anciens monuments. Une réelle option serait d'arrêter la sous-traitance du patrimoine au plus bas soumissionnaire, soit celui qui possède la plus grande poubelle.

A présent, la question est de savoir ce qu'en pense Lars Amréus du Riksantikvarieämbetet, ou le ministre de la Culture. Ils sont tous deux responsables du patrimoine culturel de la Suède et de la destruction de l'Histoire qui se déroule sous leur mandat respectif.

  • Source: www.svd.se (traduction et réécriture Kernelyd)

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