Hygiène, coiffures et modifications corporelles
L'hygiène
Les vikings ont la réputation d'avoir accordé peu d'importance à l'hygiène corporelle et l'imaginaire populaire en a souvent fait des sauvages sales et hirsutes. Mais c'est là une opinion contredite par toutes les découvertes archéologiques. En réalité, les vikings prenaient soin de leur toilette personnelle, de se baigner et de se coiffer.
Le commentaire le plus révélateur provient peut-être de la plume de l'ecclésiastique anglais John de Wallingford, prieur de Saint-Fridswides. En effet, il évoque dans son récit du massacre des Danois de la Saint-Brice, qui eut lieu en 1002, le fait que les danois teignaient leurs cheveux, prenaient un bain le samedi et changaient fréquemment leurs vêtements de laine, et que ces païens tentaient, par de tels agissements, de séduire les femmes anglaises de haute naissance.
L'observateur arabe Ibn Fadlan, dans son récit de voyage Risāla (§ 84), écrit également à ce sujet :" Chaque jour, ils doivent se laver le visage et la tête et ceci, ils le font de la façon la plus sale et indécente possible: pour vous dire, chaque matin, une fille à leur service apporte une grande bassine d'eau; elle le présente à son maître et il lave ses mains, son visage et ses cheveux - il les lave et les démêle avec un peigne trempé dans l'eau; puis il souffle par son nez et crache dans la bassine. Quand il a fini, la servante porte la bassine à la personne suivante, qui fait de même. Elle porte la bassine ainsi à tout le monde et chacun à son tour souffle par son nez, crache et y lave son visage et ses cheveux."
La source principale de dégoût d'Ibn Fadlan concernant les coutumes de toilette des Rus est à considérer au regard de sa foi islamique, qui exige d'un pieux musulman de ne se laver que dans l'eau courante ou avec de l'eau versée dans un récipient afin que l'eau de rinçage soit différente de l'eau du bain. Les sagas islandaises décrivent souvent une femme lavant les cheveux d'un homme à sa place, la plupart du temps comme un geste d'affection. Il est fort probable que la bassine était en fait vidée entre chaque ablution et qu'Ibn Fadlan ait pu exagèrer en forcant le trait lorsqu'il rapporte une contamination de l'eau par plusieurs utilisations. Hormis Ibn Fadlan, presque toutes les sources indiquent que les Vikings étaient parmi les plus propres des Européens au Moyen Âge.
En été, la baignade pouvait s'effectuer dans les lacs ou les ruisseaux. Mais les fouilles archéologiques ont permis de découvrir des bassins et des étuves (à peu près semblables au sauna finlandais), en de nombreux endroits dans les pays scandinaves. Bon nombre de grandes fermes possédait un cabinet de toilette attenant au logis principal. En Islande, où les sources chaudes naturelles sont courantes, l'eau chaude pouvait être acheminée jusqu'au local de bain. On estime que les Vikings prenaient un bain - et changeaient à cette occasion de linge- au moins une fois par semaine, le samedi, jour de lessive hebdomadaire.
Les Vikings lavaient également leurs mains et leur visage, au moins sur une base quotidienne, généralement le matin au lever. Le Hávamál suggère par ailleurs que le nettoyage des mains avant les repas était coutumier.
Les quelques représentations iconographiques qui nous sont parvenues des Scandinaves de cette époque montrent des barbes bien taillées et des cheveux peignés avec soin. Il semble clair que le lavage régulier des mains et des cheveux était la norme, et qu'arrêter de rester propre était très exceptionnel, un agissement probablement réservé aux personnes en deuil à en croire la mythologie nordique. Il est dit qu'Odin, le roi des dieux, conserva ses cheveux sales en signe de deuil pour la mort de son fils Baldr.
Les accessoires de toilette
Les peignes
L'accessoire le plus important était probablement le peigne, qui n'était pas seulement utilisé pour lisser et mettre de l'ordre dans les cheveux, mais aussi servait à éliminer toute la saleté ou la vermine, en particulier les poux qui sont attestés dans les analyses scientifiques de différentes strates. Les peignes étaient utilisés quotidennement et par toutes les classes sociales. Se peigner était une partie du processus de lavage des cheveux, car le peigne se passait dans les cheveux mouillés au cours du bain.
Les peignes en os sont parmi les découvertes archéologiques les plus communes dans un contexte viking. Deux types de peignes sont inventoriés:
- les peignes d'une seule pièce
- les peignes composites
Les peignes d'un seul bloc étaient réalisés, comme leur nom l'indique, en une seule pièce à partir d'un morceau d'os ou d'ivoire. La majorité de ces peignes avaient des dents des deux côtés de l'axe central. La nécessité d'un morceau suffisamment grand de matière pour la fabrication d'un tel peigne nécessitait dans la plupart des cas qu'il soit fait à partir d'os de cétacés (baleines) ou en ivoire de morse, voire d'éléphant importé. Le choix du matériau était important, puisque les matériaux comme l'os et l'ivoire ont comme le bois des veines, et pour une résistance maximale, les dents du peigne devaient être taillées parallèlement à la veine de la matière.
Bien que les peignes d'une seule pièce étaient prédominants en Scandinavie durant la période de migration, ils sont devenus beaucoup moins fréquents à l'époque viking. Les rares peignes d'une seule pièce connus de cette époque étaient soit fabriqués à partir d'ivoire d'éléphant (et peuvent avoir été importés de Méditerranée), ou bien ils étaient faits d'os de cétacés, et étaient extrêmement ornementés. Certains experts les appellent des "peignes liturgiques" mais il est douteux qu'ils aient été effectivement utilisés dans la liturgie avant le XIIIème siècle.
Les doubles peignes de l'époque viking, soit une seule pièce, soit de construction composite, ont généralement d'un côté du peigne des dents fines et de l'autre des dents plus grossières. Les dents fines sont extrêmement resserrées et ce côté était probablement utilisé pour extraire la vermine des chevelures. Le côté avec des dents plus épaisses aurait été utilisé pour démêler et coiffer les cheveux.
Les peignes composites constituent la majorité des peignes découverts. Un peigne composite était fait de plusieurs pièces d'un matériau issu du vivant, le plus couramment en bois de cerf, découpé en plaques indépendantes puis assemblées.
Toutes les sections qui se chevauchent et se prolongent au-delà des plaques de l'axe du peigne étaient coupées et la jointure ainsi formée, poncée jusqu'à réaliser une courbe formant le dos du peigne. Parfois, elles étaient au contraire conservées afin d'être façonnées, sculptées et incisées jusqu'à devenir des éléments ornementaux. Les dents du peigne étaient ensuite délimitées comme il se doit, souvent avec un angle d'attaque poncé sur une face, puis enfin les dents étaient découpées, souvent en utilisant une petite scie spéciale composée de deux lames parallèles.
Les découvertes dans les tombes ont montré une légère différence dans l'utilisation des peignes entre les hommes et les femmes. Les peignes pour hommes sont le plus souvent trouvés accompagnés d'un étui de protection, d'une forme presque identique au peigne lui-même. Cet étui protégeait les dents du peigne contre tout dommmage. Les tombes des femmes comprennent rarement des peignes avec des étuis, tandis que les tombes des hommes en contiennent presque toujours.
Le cure-oreille
A l'Âge Viking, il n'y avait pas de cotons-tiges pour nettoyer ses oreilles mais un cure-oreille. Le cure-oreille pouvait être fait dans une grande variété de matériaux, en os, ivoire, en argent et autres métaux. Les femmes portaient souvent le cure-oreille accroché à leurs fibules, pendu au bout d'une chaîne, non seulement pour l'avoir sous la main en cas de nécessité, mais aussi de manière ostentatoire car nombre d'entre eux étaient élégamment décorés.
La pince à épiler
La pince à épiler était aussi fréquemment portée de la même manière que le cure-oreille. Elle pouvait être faite en fer, en bronze, en argent, ou même en bois de cerf ou en os.
Des découvertes archéologiques ont permis d'attester que des pinces à épiler étaient aussi utilisées pour les sourcils.
Les coiffures
Les coiffures des hommes
Il n'existait pas un seul style de coiffure pour les hommes de l'Âge Viking. Les hommes avaient de mutliples façons de se coiffer, tout comme nous aujourd'hui. Certaines peuvent avoir été plus courantes dans une région particulière, ou bien une activité peut avoir imposé un style de coiffure.
Généralement, seuls les esclaves portaient les cheveux très courts. L'homme de classe moyenne portait probablement ses cheveux à longueur d'épaule ou dans le cou, et sa barbe poussait aussi longtemps que cela restait confortable pour lui. Un guerrier professionnel pouvait faire d'autres choix afin de minimiser le risque d'être attrapé par les cheveux ou la barbe dans le combat.
L'observateur arabe Ibn Fadlan a noté que les hommes qu'il nommait Rus éclaicissaient leur barbe jusqu'à obtenir un jaune safran. Par conséquent, certains chercheurs pensent qu'ils éclaircissaient probablement de même leurs cheveux. Cette décoloration était accomplie en utilisant un savon fortement basique. Pline l'Ancien a aussi relevé cette pratique parmi les tribus germaniques, et d'après son récit, les hommes plus que les femmes étaient susceptibles de se décolorer les cheveux . [Pline l'Ancien, Histoires naturelles].
Les coiffures des femmes
Les styles de coiffure des femmes semblent avoir été plus codifiés que ceux des hommes, d'après les témoignages qui nous sont parvenus (amulettes, Guldgubber...). Les recherches suggèrent que les cheveux blonds étaient les plus prisés, donc les femmes brunes auraient pu chercher à décolorer ou éclaircir leurs cheveux en utilisant la méthode précédemment décrite pour les hommes.
- Les femmes esclaves, comme leurs homologues masculins, étaient obligées de porter leurs cheveux coupés courts en signe de servitude.
- Les jeunes filles célibataires portaient les cheveux longs et lâchés, ou maintenus par un bandeau, en particulier pour des occasions solennelles. Parfois, elles nouaient leurs cheveux en tresse.
- Les femmes mariées portaient habituellement leurs cheveux réunis par un lien à l'arrière de la tête, ou enroulés au sommet de leur tête en un chignon, et couvraient souvent leurs cheveux d'un bonnet, d'un voile (hustrulinet) ou d'une coiffe. Plusieurs sources indiquent qu'il était obligatoire que les femmes scandinaves mariées portent un couvre-chef, mais l'archéologie ne semble pas réellement soutenir ce point car beaucoup de sépultures de femme du IXème et du Xème siècle, à Birka et ailleurs, n'en contenaient pas du tout. Toutefois, une grande variété de couvre-chefs ont été plus couramment découverts dans des secteurs géographiques christianisés tels que Dublin et Jorvik. (cf. L'habillement des Vikings )
Les modifications corporelles
Le tatouage
Le tatouage est l'une de ces formes d'art qui se conserve mal dans les archives historiques. Parce que la peau est fragile et se conserve rarement dans les sépultures, il est difficile de connaître quels motifs ont exactement pu être représentés. Seul la découverte d'une dépouille tatouée conservée dans un sol gelé de sorte que la peau soit préservée, permettrait d'obtenir une réelle confirmation.
Pourtant, nous savons que les Rus au moins portaient des tatouages, car l'observateur arabe Ibn Fadlan a écrit (Risala § 81): "Chaque homme a une hache, une épée et un couteau qu'il garde sur lui à tout moment. Les épées sont larges et rainurées, à la manière franque. Chaque homme est tatoué des orteils au cou avec des arbres, des figures [...], vert foncé" [ou verts ou bleu-noir]. Le mot arabe pour la couleur des tatouages peut signifier vert, bleu ou noir. Il s'agissait certainement de tatouages de couleur bleu sombre, créés à l'aide de cendres de bois comme pigment. Ibn Fadlan désigne les motifs tatoués par "arbres", mais il est très probable qu'il décrit en fait ainsi les modèles d'entrelacs qui étaient si fréquents dans l'art nordique.
Bien qu'ils soient antérieurs aux Vikings d'environ 1300 ans, un parallèle intéressant peut être établi avec les tatouages trouvés sur un chef scythe dans le sud de la Sibérie, dans la région de Pazyryk, vers 500 avant J.C. Les Scythes habitaient les régions des steppes, et leurs descendants ont probablement été en contact avec les Rus et d'autres Vikings qui ont commercé avec la Russie et Byzance.
Ce scythe en particulier est très bien conservé, parce que le tumulus, ou Kurgan, dans lequel il a été enterré, a été creusé assez profondément pour placer la chambre funéraire en dessous du niveau du pergélisol (ou permafrost, c'est-à-dire une couche de terre ou de roche solide située à une profondeur variable sous la surface du sol, où la température est perpétuellement en dessous de O°C depuis plusieurs milliers d’années). Ainsi, la peau du chef, et donc ses tatouages, ont été préservés.
Les motifs utilisés dans ces tatouages sont clairement basés sur les styles artistiques scythes, et il est alors aisé d'imaginer que si les Vikings pratiquaient le tatouage, leur art corporel devait refléter les motifs trouvés dans leur sculpture sur bois et métal.
Kunsten på Kroppen from anders graver on Vimeo.
Le limage des dents
Les preuves de cette pratique proviennent de squelettes décapités découverts dans une fosse mise au jour lors de travaux dans le Dorset, des Vikings victimes d'un massacre. Le limage des dents semble donc avoir essentiellement concerné les guerriers.
Les incisives portent des lignes horizontales qui ont été soigneusement limées, les archéologues pensent qu'elles ont été réalisées par une personne qualifiée plutôt que par leurs propriétaires, en raison de la profondeur et de la précision de la gravure ainsi que de la douleur accompagnant un tel acte. Les dents limées ont probablement été teintes, peut-être avec du rouge.
Étant donné qu'aucune autre culture européenne ne présente cette pratique et que les Vikings voyagaient beaucoup, les anthropologues pensent qu'ils ont pu apprendre ces techniques d'autres endroits comme l'Afrique de l'Ouest et les Amériques, lieux qu'ils ont explorés. Cependant, la modification des dents en Afrique était d'un genre différent, avec des dents limées en pointe. Ainsi, par élimination, il pourrait s'agir de l'Amérique du Nord où ce type de marques horizontales sur la dentition a été attesté dans la région des Grands Lacs et dans les états actuels de l'Illinois, en Arizona, et en Géorgie.
On ne sait pas exactement pourquoi les Vikings faisaient cela, mais cela devait probablement être à la fois un symbole de fierté, d'accomplissement et un moyen d'intimidation pour effrayer les ennemis.
Plus récemment, Anna Kjellstrom, spécialiste en Anthropologie biologique de l’Université de Stockholm, a retrouvé les mêmes sillons sur les dépouilles de deux hommes qui semblent avoir été enterrés comme des esclaves dans le centre de la Suède. Bien qu'elle ne s'autorise pas pour autant à conclure que la modification des dents était une caractéristique propre aux esclaves, cette découverte force les spécialistes à repenser l’idée selon laquelle cette pratique était réservée aux guerriers, ainsi que la place des esclaves dans la société viking.
Sources
- Viking Age Hairstyles, Haircare, and Personal Grooming
- Viking Tattoos, Ancient tattoos: Theories of Heaven and Earth
- Les Vikings limaient leurs dents pour le combat, New Studies show Vikings filed their teeth
- Les Vikings, les Scandinaves et l'Europe 800-1200, catalogue d'exposition, éd. du Grand Palais, p.143
Rédaction, traduction et mise en page: Kernelyd. Créé le 12/09/2011 - Mis à jour le 21/10/2019
Commentaires (1)

- 1. | 12/12/2020
je m'explique, je reprend vos termes douleur très importante ,perso quand j'ai mal faut pas m' approcher , je tuerais n'importe qui pour ne plus avoir mal.
je suppose que là vous voyez ou je veux en arriver , malheureusement ce n'est que de l'interprétation , la seule chose qui puisse favorisé cet avis et qu'ils n'hésitaient pas à utiliser tous les moyens à leur disposition pour être de meilleurs guerrier .