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Royaume-Uni - La langue des Vikings et le vieil irlandais ranimés grâce à la musique et aux nouvelles technologies

Le projet Augmented Vocality rassemble des musiciens, historiens et linguistes. À partir du mois de Novembre 2020, tous vont travailler de concert dans le but de recréer la 'bande-son' originale du temps des Celtes et des Vikings.

Les Vikings sont largement connus pour leurs casques, leurs épées et leurs bateaux, en raison des artefacts qui se sont conservés jusqu'à nos jours. Mais leurs paroles, leurs poèmes, leurs chansons et leur musique ont largement sombré dans le silence de la nuit des temps.

Cela pourrait bientôt changer! Un projet pionnier du genre s'est donné l'objectif de reconstituer les sonorités des premières langues médiévales, et tout particulièrement le vieux norrois et le vieil irlandais. Le Conservatoire Royal de Birmingham, rattaché à l'Université de la ville anglaise, et le compositeur Edmund Hunt vont diriger cette recherche pluridisciplinaire qui sera couronnée par la création de compositions musicales originales.

 

2 ans de recherche et 535 000 € alloués

Royaume-Uni - Un second souffle pour la langue des Vikings grâce à la musique - Photo:  Y Ddraig, troupe de reconstitution historique de Stoke-on-TrentLe projet intitulé Augmented Vocality: Recomposing the Sounds of Early Irish and Old Norse, va mettre à profit une nouvelle technologie de traitement vocal et de musique électronique pour transformer en sons les écrits de l'époque qui ont traversé les siècles jusqu'à nos jours, et créer de la sorte une vocalité augmentée à l'instar de ce qu'est une réalité augmentée.

D'après Lamberto Coccioli, chef de projet et directeur associé du Conservatoire Royal de Birmingham, tout l'enjeu est de parvenir à rendre audible le pouvoir expressif originel et spontané de ces anciennes langues pour les gens d'aujourd'hui. 

Trois ensembles européens de musique contemporaine, le Hard Rain Soloist Ensemble de Belfast, le Birmingham Contemporary Music Group (BCMG) en Angleterre et le BIT20 Ensemble en Norvège collaborent à cette recherche, ainsi que la Faculté d'Anglo-saxon, de Norrois et de Celtique de l'Université de Cambridge.

Le UK Arts and Humanities Research Council (le Conseil de Recherche en Arts et Lettres du Royaume-Uni) vient d'accorder 485 274 £ - soit plus de 535 000 € - au projet d'une durée de deux ans, qui démarera au mois de Novembre 2020.

 

De nouvelles compositions à la clé

Les images issues des séries télévisées telles que Vikings et The Last Kingdom, comme du monde fantastique de J.R.R. Tolkien, peuplent l'imaginaire de tout un chacun, note Coccioli. "Mais que savons-nous vraiment des sons qui accompagnent toutes ces images?"

Le mélange des spécialités de Hunt, le compositeur étant diplômé à la fois en Linguistique et en Littérature anglo-saxonne, a constitué une source d'inspiration pour tenter d'apporter des réponses à cette question. À terme, l'objectif est de produire deux compositions musicales pour une ou plusieurs voix, d'organiser des concerts publics, d'animer des conférences et ateliers au Royaume-Uni, en Irlande et en Norvège, de créer une base de données audio-numériques ainsi qu'une bibliothèque d'échantillons sonores.

Les archéologues ont mis au jour des restes d'instruments de musique remontant à l'Âge du Fer, y compris des cornes, des flûtes de pan, des flûtes et des instruments à cordes tels que des lyres, mais les Vikings et les premiers Celtes ont laissé peu de traces écrites de leurs chansons.

Malgré tout, Coccioli ne doute pas que les chercheurs puissent retrouver ce à quoi ressemblaient les sons qu'ils produisaient en retraçant l'évolution de leur langue respective et sa prononciation. "Les connaissances sont là, mais ce sont des connaissances académiques et non utilisées dans la pratique artistique. Nous avons pensé que nous pourrions nous servir du matériel source pour de nouvelles compositions, et ne pas nous contenter [de recréer] des sons bruts."

 

Un dictionnaire de l'Irlandais médiéval déjà en ligne

Déjà l'année dernière, des universitaires d'Irlande du Nord et d'Angleterre ont dévoilé un nouveau dictionnaire de l'irlandais médiéval. Composé de 23 volumes, il s'étend sur une période allant du VIIIème siècle au XVIIIème siècle, et est l'aboutissement de 5 années de travaux minutieux menés par des spécialistes de l'Université de Cambridge et de l'Université Queen's de Belfast.

Les chercheurs se sont penchés sur les manuscrits et les textes pour retrouver des mots qui avaient été négligés ou mal définis. Leurs découvertes sont désormais accessibles gratuitement dans la version révisée du Dictionnaire en ligne de l'irlandais médiéval. "Les gens pensent que c'est une vieille langue et qu'il ne peut y avoir de nouveaux mots, mais notre lecture change la donne. Nous avons trouvé environ 500 mots qui n'avaient pas été répertoriés. Parmi eux se trouve le mot 'séis', qui signifie une période de six jours", a indiqué Greg Toner, professeur à l'Université Queen's passionné par le sujet depuis près de 20 ans.

Parmi les autres mots qui ont refait surface, il y a ogach signifiant "plein d'oeufs", brachaid signifiant "qui suinte du pus", crottach signifiant "celui qui a une bosse" et qui servait à désigner les courlis par une allusion au bec distinctif de ces oiseaux.  A contrario, le terme leprechaun qui sert à désigner une célèbre petite créature humanoïde issue du folklore irlandais, n'est pas un mot d'origine irlandaise.

 

Des langues à sauver de l'oubli

Le sort réservé aux versions modernes du vieil irlandais et du vieux norrois est incertain. D'après une récente étude par exemple, sans une intervention radicale, le gaélique écossais disparaîtra d'ici une décennie. En Irlande, les Gaelscoileanna [gaelscoil au singulier, "école gaélique" où l'enseignement, donné en langue irlandaise, s'étend du primaire au secondaire] sont populaires dans les villes, mais seulement 1,7% de la population parle l'irlandais quotidiennement. Il en va de même pour l'islandais, qui a peu changé depuis l'époque viking mais qui est en train d'être altéré par le tourisme et la télévision.

Darach Ó Séaghdha, un activiste engagé dans la défense de la langue irlandaise et auteur de Motherfoclóir: Dispatches from a Not So Dead Language, accueille ce nouveau projet de recherche comme une initiative innovante capable d'éveiller la curiosité des gens et de générer de l'enthousiasme.

Selon lui, la technologie stimule les efforts en vue d'un renouveau. En cela, il se réfère aux travaux de Kevin Scannell, un professeur de Mathématiques et d'Informatique de l'Université Saint Louis, dans le Missouri. En 2019, ce dernier a obtenu une bourse pour développer un assistant virtuel de type Siri ou Alexa en langue irlandaise, et un projet de synthèse vocale pour le laboratoire de Phonétique et de Langue du Trinity College de Dublin, abair.iequi permet d'écouter la prononciation du gaélique irlandais.

"Divers organismes et universitaires font un excellent travail - dictionnaires d'hyperliens avec prononciation audio et vérificateurs de grammaire sont des outils désormais à portée de main. Et les réseaux sociaux ont aidé les Irlandais à se retrouver", a-t-il conclu.

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