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Science - La légende des épées mortuaires, des chercheurs enterrent les guerriers vikings

De nouvelles recherches suggèrent que les épées trouvées dans les sépultures du haut Moyen Âge ne sont pas nécessairement le signe distinctif de la dernière demeure des guerriers.

La recherche, menée par une équipe internationale, s'est appuyée sur une combinaison de données issues de la littérature ancienne et de l'Archéologie, pour interroger l’idée selon laquelle les épées découvertes lors des fouilles de sites funéraires de l'époque seraient automatiquement le marqueur des sépultures de guerriers. D'après Erin Sebo, chargée de cours et maître de conférence en littérature médiévale à l'Université Flinders en Australie, l'équipe de recherche a accumulé suffisamment de preuves pour renverser l'une des hypothèses les plus répandues de l'Archéologie du début du Moyen Âge.

L'étude, publiée dans Journal of European Archeology (mars 2019), a examiné chaque description ou référence à une sépulture de guerrier dans la littérature en vieil anglais et en vieux norrois mais n'a relevé aucune mention d'épée, suggérant qu'il est hautement improbable que cette arme puisse désigner la tombe d'un combattant. "Si la présence d'une épée dans une tombe ne définit pas le statut de guerrier, nous devons peut-être penser de manière complètement différente ce qu'une épée représente dans le contexte funéraire du début du Moyen-Âge", a déclaré le Dr Sebo.

 

La tombe de Birka, une guerrière discutable

L'archéologue Duncan Sayer de l'Université du Lancashire central en Angleterre, a demandé au Dr Sebo d'étudier le statut des épées découvertes dans les tombes de l'époque après qu'ait eu lieu, en 2017, l'analyse ADN d'un squelette viking du Xème siècle de l'île suédoise de Björko. L’analyse avait alors révélé que la dépouille, longtemps considérée comme celle d'un guerrier de haut rang en raison des nombreuses armes trouvées dans la tombe Bj 581, était une femme. [cf. Une nouvelle étude vient confirmer l'existence de femmes guerrières à l'Âge Viking]

Tandis que la plupart des universitaires en déduisaient que la femme devait être une guerrière, le professeur Sayer et le Dr Sebo ont voulu ouvrir une nouvelle voie en cherchant des réponses dans les textes anciens.

"Par le passé, il était difficile d’entreprendre ce type de recherche car il était impossible de dater les textes en vieil anglais. Environ 400 textes littéraires en anglo-saxon de 550 au XIIème siècle de notre ère ont survécu, mais malheureusement, il ne s'agit que de copies des premiers manuscrits", a confié le Dr Sebo. "Bien que ces copies puissent être datées par analyse paléographique, déterminer la date de composition des textes littéraires s'est avéré difficile et très sujet à controverse."

 

De nombreuses anomalies

Reconstitution d'une tombe de l'Âge Viking par la troupe Andrimners Hemtagare - Photo: Andrimners HemtagareAvec tout un éventail de nouvelles techniques, comprenant des techniques linguistiques, des méthodes numériques en Sciences-Humaines et des "big data", les chercheurs sont parvenus à établir une chronologie rendant exploitable pour la première fois l'exploration de preuves culturelles issues de la littérature ancienne.

En croisant ces dernières avec des données archéologiques, les chercheurs ont découvert de nombreuses anomalies qui remettent en cause l’importance présumée des épées enfouies. Elles concernent notamment les épées trouvées dans les tombes de personnes souffrant de difformités évidentes et conséquentes, qui ne leur auraient pas permis d'utiliser des armes au combat. Des questions majeures se posent donc sur la signification de telles épées mortuaires - peut-être pour fournir aux défunts un moyen de se défendre contre des ennemis d'un autre monde, lors de leur passage dans l'au-delà?

A contrario, un enterrement sans épée ne signifiait pas que l'individu n'en n'utilisait pas, n'en possédait pas ou n'en méritait pas une de son vivant, un cas de figure fortement étayé par les nombreuses descriptions dans la littérature de héros inhumés sans leur épée.

 

Une pluralité de sens et de symbolismes

Le Dr Sebo affirme que cette nouvelle recherche a des implications de grande portée, car les études archéologiques sur la structure sociale et les pratiques culturelles des sociétés médiévales se sont souvent appuyées sur le nombre et la disposition des tombes de 'guerriers' identifiées par la présence d'épées. Cette nouvelle étude va déclencher, selon elle, de nouvelles recherches sur l’importance des épées, autre que comme objet ou outil emblématique du guerrier, car les hypothèses antérieures doivent dorénavant être révisées.

"Cela suggère une toute nouvelle série de questions sur la signification des épées dans ces tombes", a souligné le Dr Sebo. "Cela signifie que la catégorisation sociale des personnes enterrées avec des épées a besoin d'être plus souple que nous ne le pensions."

D'après les conclusions de l'équipe de chercheurs, les épées étaient une partie importante de l'art de commémoration, tout comme elles constituaient une partie importante de l’identité d’un héros dans le corpus poétique. Une épée pouvait être un moyen de transmettre son identité, de remplir des obligations ou d’authentifier des héritiers. L'archéologie met au jour des épées conservées dans des contextes funéraires, mais toutes les épées n'étaient pas pour autant mises en terre. Les sources écrites insistent, quant à elles, sur le fait de transmettre une arme, mais révèlent des variations géographiques et chronologiques quant à son dépôt dans une sépulture.

En conséquence, une pluralité de sens et de symbolismes liés à l'épée et à la façon dont elle a été placée dans une tombe sont désormais à prendre en considération. 

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